Si les Cergypontains peuvent aujourd’hui se promener dans le bois de Cergy, ils le doivent au… phylloxera. Ce puceron, qui ravagea les vignes de toute l’Europe dans la deuxième moitié du 19e siècle, a précipité l’abandon de la viticulture dans la boucle de l’Oise. Mais, une fois la vigne abandonnée, ces terres sableuses et argileuses ne conviennent pas à d’autres cultures. Elles sont progressivement envahies par des arbres, essentiellement des robiniers (ou faux acacias) et des chênes.
Des naturistes aux militaires
Mais l’histoire du bois de Cergy est en réalité bien plus ancienne. Il y a 65 millions d’années, toute la région était recouverte par une mer tropicale, qui s’étendait jusqu’aux emplacements actuels de Fontainebleau et d’Étampes. À l’époque, Cergy est sans doute une plage… Plus tard – il y a deux millions d’années –, le bois de Cergy se trouve au confluent de l’Oise et de la Seine. C’est alors un peu le Conflans-Sainte-Honorine de l’époque ! Très lointaine, cette histoire a pourtant laissé de nombreuses traces dans le sous-sol du bois. Des fouilles menées dès 1876 sur le site de la Ballastière et poursuivies jusqu’en 1969, ont mis à jour la trace des hommes du Paléolithique : outils de pierre taillée, lames, burins, pierres polies… Plus près de nous – dans les années 1930 –, la propriété de la Ballastière est rachetée par un club naturiste parisien. L’endroit est isolé et donc propice à une communion avec la nature. Après les naturistes, on y trouve plutôt des… militaires, qui utilisent le bois comme terrain de manœuvre.
Juju est arrivé…
Lorsque la ville nouvelle s’installe au début des années 1970, le premier quartier à sortir de terre est celui de Cergy Sud. Il jouxte le bois, ce qui lui vaut rapidement le nom de l’Orée du bois. Le terme est poétique, mais le bois est alors en piteux état. Il sert en partie de décharge et on y trouve nombre de carcasses de voitures. Un temps, il est même envisagé de le raser. Mais Bernard Hirsch, le directeur de l’Établissement public d’aménagement (EPA) de la ville nouvelle, décide finalement de le sauver. Intervient alors un homme providentiel : Dominique Juglar, le paysagiste de la ville nouvelle. Il restaure et aménage le bois. On lui doit bien sur la « Butte à Juju » – ainsi nommée familièrement en son honneur et réalisée avec les déblais des chantiers de l’autoroute A15 et de la préfecture –, mais aussi la plaine de jeux ou l’alignement des tilleuls sur le chemin de Chasse-marée. Aujourd’hui, le bois de Cergy est la propriété de l’agglomération, qui en assure l’entretien.
Grande & petites histoires
Daniel Geffraye Riverain et amoureux du bois de Cergy
« J’habite à l’orée du bois depuis 1972. J’y vais régulièrement me promener, faire silence, observer, admirer. En quarante ans, j’ai vu de nombreux changements. Certains équipements ont disparu ou ne sont plus utilisés, comme le restaurant La Ballastière, le petit théâtre de verdure – près du centre aéré –, le centre équestre et ses gradins, ou encore le site archéologique, aujourd’hui refermé pour préserver d’éventuelles fouilles futures. La Butte à Juju a aussi évolué : à l’origine, elle était plantée de lavandin. Mais d’autres éléments sont apparus, le nouveau gymnase des Touleuses, une remarquable réussite architecturale, parfaitement intégrée dans l’espace boisé. Sans oublier les multiples petits sentiers créés par les coureurs et les praticiens de la course d’orientation et le grand succès des 24 heures de VTT de Cergy. Aujourd’hui, la présence du bois de Cergy – avec ses 28 espèces d’arbres – reste une chance extraordinaire pour les habitants et les visiteurs. Certains habitués trouvent le bois moins bien entretenu qu’autrefois. Mais c’est une erreur ! Aujourd’hui, on pratique une gestion écologique des espaces naturels, en laissant, par exemple, des troncs abattus qui serviront de refuge aux petits rongeurs et aux insectes, qui attireront les hérissons, et ainsi de suite… ».