Pro liturgia : ordinatrices du temps présent

Publié le 21 novembre 2019

Alors que depuis 2004, elle produit de grandes expositions monographiques en prise directe avec le lieu, l'abbaye de Maubuisson accueille cette fois une exposition collective qui pose une question simple : "Entretient-on un rapport religieux à la technologie ?"

Marie-Julie Bourgeois, Silence – Salle des religieuses © Marie-Julie Bourgeois

Jusqu’au 29 mars prochain, neuf artistes investissent l’abbaye de Maubuisson pour interroger cette nouvelle religion que constitue l’usage des technologies modernes. En sept œuvres déployées dans les différents espaces de l’abbaye, l’exposition conçue par Julien Taïb et l’abbaye de Maubuisson déroule un parcours qui articule art et quotidien technologique. Principalement portée par des artistes femmes, cette méditation sur le temps présent prolonge l’aventure spirituelle de l’abbaye, foyer de moniales érudites œuvrant à une réconciliation entre le corps et l’esprit, le matériel et l’immatériel.

Electricité et intelligence artificielle

Dans la salle du parloir, deux installations sonores de Cécile Babiole sculptent l’énergie des temps modernes : l’électricité. Un concert de crépitements vifs en rappelle la puissance ordonnatrice rythmant les gestes, amplifiant les mouvements et cadençant les activités industrielles. Dans la salle capitulaire où se discutaient les affaires pratiques de la communauté, un robot imaginé par Laura Haie convie le visiteur à lui offrir un carré de sucre qu’il trempera délicatement dans une tasse pour le lui retourner imbibé de café. La mécanisation de ce rituel du « canard » évoque les craintes anciennes, réactivées par l’intelligence artificielle d’une invention qui viendrait supplanter l’humain, le remplacer.

Laura Haie, Confiez-leur vos désirs – Salle capitulaire © Laura Haie

Data et lumière artificielle

Réalisée à partir de données traduisant les inégalités sociales entre hommes et femmes, l’oeuvre immersive du collectif Iakeri présentée Passage aux champs se nourrit des opérations de transcodage génératrices de banques de données – dites data. Dans la salle des religieuses, l’oeuvre de Marie-Julie Bourgeois confronte le cycle de la lumière naturelle et vitale qui rythmait la vie des moniales à la lumière artificielle, évoquant la relativité d’un rapport au temps que les technologies ont tendance à accélérer.

Étirement de l’espace et du temps

Cet étirement des espaces et des temporalités est également évoqué par Félicie D’Estienne d’Orves qui, dans l’antichambre, confronte la flamme d’une bougie et sa contemplation rêveuse, aux espaces incommensurables de l’astrophysique : près de trois mille galaxies lointaines embrasant plus de treize
milliards d’années-lumière… Enfin, dans les latrines, Cécile Beau compose un échantillon de « Jardin d’Eden » avec des espèces végétales qui n’ont pas évolué depuis l’ère géologique du jurassique.

Pratique

Pro Liturgia
Exposition collective avec Cécile Babiole et Jean-Marie Boyer, Cécile Beau, Marie-Julie Bourgeois, Félicie d’Estienne d’Orves, Laura Haie et le collectif Iakeri (Alice Guerlot-Kourouklis, Jimena Royo-Letelier, Aneymone Wilhelm)
Jusqu’au 29 mars
Abbaye de Maubuisson, site d’art contemporain du Val d’Oise
Avenue Richard de Tour à Saint-Ouen l’Aumône
Infos : 01 34 33 85 00 / abbaye.maubuisson@valdoise.fr / www.valdoise/abbaye-de-maubuisson