Après Exilé la saison dernière, Frédéric Costallat crée au Théâtre 95 Port d’attache, second volet d’un triptyque qui intègre des textes aux parties dansées, et notamment du slam…
Cette pièce parle de la déchirure qu’est l’exil, de ce long voyage, des arrivées parfois chaotiques vécues par les expatriés et, enfin, du silence dans lequel ils se murent pour s’intégrer… être le plus discret possible dans le but de donner une chance à leurs enfants de réussir.
À travers l’histoire d’une famille, Frédéric Costallat raconte les souffrances de celles et ceux qui se retrouvent aux frontières, arrivés par bateau ou par d’autres moyens, ne connaissant pas, ou peu, nos coutumes, face à une administration implacable et sourde aux tristesses qui ont poussées tant d’êtres à fuir leur(s) terre(s), partis la peur au ventre, pour cet ailleurs plein de promesse. Qu’on soit pied noir, d’Irlande, d’Afrique ou d’ici, cette histoire est la même, à toutes les époques. Cette pièce veut donner la parole à ceux qui n’ont jamais rien dit, pour mieux se fondre dans la masse, pour faire de la France leur « Port d’attache ».
Classique dans ses fondements, jazz dans son énergie et contemporaine dans son inspiration, la compagnie Black Bakara présente une danse actuelle. À travers les créations de Frédéric Costallat, elle défend l’éclectisme de ce mélange des styles, au service d’un langage chorégraphique contemporain. « ‘L’esprit » Black Bakara, c’est le métissage esthétique, entre danses académiques et urbaines, un alliage de force et de disponibilité physique, en lien permanent avec son environnement.
Le directeur du Théâtre 95, Joël Dragutin, a quant à lui participé à la dramaturgie de la pièce : « Ma collaboration dramaturgique au spectacle chorégraphique de Frédéric Costallat est avant tout le fruit d’une belle rencontre. C’est en écoutant ce jeune chorégraphe me parler de son projet et approfondir de manière très personnelle les thèmes du déracinement, de l’exil et de la reconstruction de soi sur un nouveau territoire d’accueil que j’ai cherché avec lui des transpositions scéniques de son travail. En donnant toute leur place aux textes et aux corps, Port d’attache est l’exploration très riche d’une parole à la fois individuelle et collective, intimiste et universelle, que nous sommes heureux de soutenir et de présenter au Théâtre 95. »
Port d'attache
Note d’intention de Fréderic Costallat
« C’est un paquet de vieilles photos jaunies, enfoui dans une malle que toute la famille voulait croire perdue depuis 23 ans. Un cousin a immortalisé sur pellicule les derniers moments d’insouciances de mes parents à Kinshasa. En cette fin de juillet 1992, mes parents espèrent encore pouvoir rester là, alors la famille sourit, on fait bonne figure. Ils refusent encore l’idée de devoir tout abandonner, là, dans cette ville, dans ce pays, où mon père a trouvé refuge à 18 ans en fuyant la France.
Mais, le retour en France sera inévitable, cruel et brutal ; la France, un pays, à la fois inconnu pour nous, et pourtant faisant bien partie de notre histoire…. À l’arrivée, on nous a pris pour des privilégiés, et parfois mal acceptés. Alors pour nous protéger, nos parents se sont murés dans le silence, pour se fondre, s’intégrer…
Le rideau est tombé sur la vie là-bas et pendant 23 ans ils ne parleront presque plus du Zaïre.
Cette pièce ouvre enfin ce rideau, leur donne de nouveau la parole, et nous aide à renouer avec notre famille restée sur place, et à retisser les liens brisés par cet exil forcé.
C’est l’histoire d’une blessure, celle d’une famille parmi tant d’autres contrainte de quitter un pays pour un autre, afin d’avoir une chance de vivre, et qui fait de la France son port d’attache. C’est l’histoire de tous les déracinés ! »