Avec sa compagnie L’art éclair, fondée en 2004, Olivier Brunhes a tenu à ce que le théâtre aille à la rencontre de ceux que la société met en marge, sans rien renier d’une exigence artistique convaincue. Ainsi en 2013, il montait Fracas avec des personnes en situation de handicap ou en rupture sociale. L’univers carcéral, « un monde où sont réunies toutes nos misères », devient aujourd’hui matière et sujet d’un spectacle. « J’ai voulu entendre et transformer un certain nombre d’histoires récoltées dans la maison d’arrêt du Val d’Oise. Des histoires tues. Ce qui n’est pas écouté, partagé, accentue la souffrance, l’isolement » annonce-t-il en préambule.
Durant l’automne 2014, le metteur en scène est allé écrire une fois par semaine avec une dizaine de détenus au sein de la maison d’arrêt du Val d’Oise. Au fil des mois passés ensemble, de ce partage de pensées, d’écritures, un chant puissant est né. Olivier Brunhes en a puisé l’âme pour élaborer le texte. « J’ai choisi délibérément la fiction pour essayer de briser un certain nombre de stéréotypes, pour dépasser la barrière d’une véracité d’opérette, précise-t-il. Dans mon esprit d’écrivain, seule l’invention fait sentir le vrai. Nous avons donc fabriqué ces histoires pour vous. Pour partager. »
À l’automne 2015, Olivier Brunhes est retourné à la maison d’arrêt du Val d’Oise pour mettre en scène ce texte avec les détenus. D’autres détenus que ceux qui avaient participé à la récolte, forcément : en prison l’avenir se limite à quelques semaines de visibilité. Il a travaillé dans la maison d’arrêt avec sa troupe de L’art éclair. Les détenus sont assidus, passionnés, apprennent à connaître les artistes, à bâtir ensemble un spectacle exigeant, Un « objet artistique » pleinement revendiqué. Un moment de création partagé.
L’apostrophe a choisi d’accueillir le spectacle au Théâtre des Arts en décembre. « Aux exclusions de toutes sortes, cristallisées dans l’incarcération, le projet d’Olivier Brunhes offre une possible issue par le langage, écrit ou dit, témoigne Jean Joël Le Chapelain, directeur de la scène nationale. J’ai voulu l’accompagner dans ce « Paroles du dedans » qui raisonne de façon singulière en cette terrible fin d’année. Maladroites, confuses, mais profondément sincères, ces « paroles » sont le reflet de témoignages qui expriment l’ailleurs, l’espoir, l’engagement ou la libération dans un acte universel de partage avec le public, pour être aussi acteur de sa vie. »
De l’expérience du dedans à la fiction adressée à ceux du dehors… ces deux représentations exceptionnelles permettront à ces bribes de l’intérieur de s’échapper, avant que les auteurs-comédiens, autorisés à sortir de prison pour jouer leur spectacle en public – c’est inédit – ne regagnent leurs cellules pour la nuit…
La représentation du samedi 12 décembre sera précédée, à 17h, d’une conférence-débat sur « L’art en prison », en présence d’Olivier Brunhes et Nancy Huston, romanciers, co-auteurs de Passés par la case prison (éditions La Découverte), Yazid Kherfi, ancien détenu, aujourd’hui médiateur, Kemso, ancien détenu, aujourd’hui comédien de L’art éclair.