Au risque de jeter un pavé dans la mare : L’Oise existait avant Cergy-Pontoise. Sur ses rives, les traces d’occupation humaine remontent même à la préhistoire. Mais c’est à l’époque gallo-romaine, sous l’antiquité, que débute la véritable mise en valeur de l’espace. L’organisation cadastrale des terres agricoles et l’implantation des réseaux de circulation sont encore visibles aujourd’hui. La voie romaine qui reliait Lutèce (Paris) à Rotomagus (Rouen) a d’ailleurs façonné le territoire. Disposant d’un passage à gué sur l’Oise, Pontoise – le pont sur l’Oise – devient ainsi la première étape de cette « chaussée Jules César ».
Tous les chemins mènent à l’Oise
L’Oise a donc une position stratégique, à la fois lieu de passage, voie de navigation et de commerce. La citadelle de Pontoise et l’abbaye de Maubuisson à Saint-Ouen l’Aumône, érigées au Moyen-Âge, témoignent de ce prestigieux passé. À l’époque, les affluents de l’Oise – la Viosne et la Couleuvre – alimentent les moulins à céréales et servent au travail des peaux (tannage) et des draps (foulage). La rivière sert également de voie d’accès à la Seine pour les approvisionnements en provenance du Nord et de la Manche (métaux, sel, poissons). Au XVIIIe siècle, le transport fluvial se concentre autour du bois et du charbon. Mais contrairement aux apparences, l’Oise n’est pas du genre à se la couler douce.
Belle et rebelle
L’Oise impose aux bateliers ses fonds sableux, ses fortes courbes, ses méandres ensablés, ses crues et ses courants. La naviguer, c’est s’en méfier. L’Oise est une rivière vivante dont les variations d’amplitude peuvent atteindre les 4,50 mètres. Au XIXe siècle, des travaux sont réalisés pour la canaliser : canaux, barrages, écluses… Son lit est élargi et ses courbes redressées. Mais l’Oise garde son caractère bien trempé et les urbanistes de la ville nouvelle le savent. Ils vont devoir composer.
Vue aérienne de la boucle de l’Oise – Vers 1970
Aux sources de la ville nouvelle
Ce sont souvent dans les archives que se cachent les pépites. En voici une : un rapport confidentiel sur la ville nouvelle de Pontoise-Cergy – car tel était son nom –, établi en 1967 par la Mission d’Aménagement – l’ancien Établissement Public d’Aménagement (EPA) – décrit le lieu choisi pour établir la ville nouvelle : « le site retenu (…) se trouve à l’Ouest de Pontoise, là où l’Oise décrit un double méandre, la boucle de Cergy et la boucle de Neuville ». Une description froide et un peu technique qui fait oublier l’essentiel : la beauté du site et son unité géographique. Les boucles de la rivière ont façonné un paysage tout en relief, dans lequel vient se lover l’Oise. Les architectes et urbanistes mesurent cette chance offerte par la géographie, mais aussi l’ampleur du défi : « la mise en valeur d’un site de cette qualité est à la fois un stimulant et un casse-tête (…) : la médiocrité n’y passe pas inaperçue ».
1966. L’une des premières esquisses de la future ville nouvelle. On envisage déjà un aménagement en amphithéâtre autour de la boucle de l’Oise.
L’Oise en son écrin
L’élégance naturelle de son tracé, ses courbes, ses contre-courbes, ses crues… Autant d’atouts que de contraintes pour les urbanistes de la ville nouvelle. L’objectif : mettre en valeur et respecter la géographie du site. Cergy-Pontoise est donc construite en étages. Une fois les quartiers de la ville nouvelle installés en haut de cet amphithéâtre naturel, un dernier défi reste à relever : les relier à l’Oise. L’Axe majeur – réalisé par Dani Karavan à partir de 1980 – constitue le véritable trait d’union avec la rivière. Un parcours urbain de 3 km de long qui enjambe l’Oise pour mieux l’embrasser. Une façon audacieuse et artistique de… boucler la boucle.
Croquis de l’Axe majeur
Grande & petites histoires
Michel Jaouën, architecte-urbaniste de l’Établissement public d’aménagement (EPA)
« L’Oise unit toutes les communes de l’Agglomération. Sa boucle, en forme de fer à cheval, est le symbole de la ville nouvelle. Georges Pencreac’h, urbaniste de la première heure, va d’ailleurs la styliser en un logo vert et bleu – vert pour le paysage, bleu pour l’Oise. Un logo devenu mythique ! Imaginé à l’origine pour l’EPA, il sera maintes fois repris et reproduit. En premier lieu par ses successeurs, le syndicat communautaire d’aménagement (SCA) et le syndicat d’agglomération nouvelle (SAN), mais aussi par l’Hôpital de Pontoise. Il apparaît sur les colonnes Morris, les pavés de la dalle à Cergy-Préfecture, les bornes de nivellement… Il est apprécié, donc largement caricaturé. Nombreux sont ceux qui s’inspirent du nom. C’est le cas de la chorale « Chœur Cergy Boucle Oise » et de la radio locale « Radio Ginglet la Boucle »… Quand on aime, on ne compte pas… »