A priori, rien ne destinait la maison Bernardin de Saint-Pierre à passer à la postérité. Vraisemblablement construite au XVIIIe siècle, cette belle demeure entourée d’un charmant jardin, située à deux pas des berges de l’Oise, entre pour la première fois dans les annales de manière discrète, quand elle devient la possession de la paroisse d’Éragny en 1767 pour servir de presbytère. Rattrapée par l’histoire, la maison est vendue comme « bien national » lors de la Révolution française. En effet, le dernier curé qui l’occupe, Jean-Noël Deluche Delacroze, élu maire en 1792, est guillotiné le 13 juillet 1794. En 1804, Bernardin de Saint-Pierre devient propriétaire de la maison.
Le dernier ermitage de Bernardin de Saint Pierre
Depuis la fin du XVIIIe siècle, l’auteur de Paul et Virginie est un écrivain à la mode, célébré par le public. Grand voyageur et botaniste, cet homme sensible, précurseur du romantisme, membre de l’Académie française et ami de Rousseau, a dénoncé l’esclavage dans son Voyage à l’Île de France*, à l’île Bourbon** et au cap de Bonne-Espérance, source d’inspiration de Paul et Virginie. En dépit du souci de Bernardin de Saint-Pierre de se ménager une retraite loin de tous à la campagne, de nombreuses relations passent quelques jours à la maison à la belle saison et celle-ci semble ne pas désemplir. Dans une préface de 1806, le botaniste décrit le jardin de la demeure, qui est l’objet de tous ses soins. Il décède dans la maison le 21 janvier 1814.
La renaissance d’une maison
À la mort de Bernardin de Saint-Pierre, la maison change à nouveau de mains, avant d’être vendue à la commune d’Éragny en 1835. Cependant, à partir des années 1970, accueillant seulement des associations, elle se dégrade de plus en plus. Convaincus de la nécessité de préserver le patrimoine de la commune, certains habitants, dont les Amis du village d’Éragny, se mobilisent. Ceci conduit à la signature, en 2003, d’un contrat régional comprenant la rénovation de la maison, initié par la ville d’Éragny. Le chantier, de l’ordre de 700 000 euros, inclut des travaux d’isolation, d’entretien ainsi que de mise aux normes de sécurité et d’accessibilité – avec notamment l’installation d’un ascenseur dans le jardin, donnant également accès à l’église.
Une nouvelle vie
Rouverte en 2008, la maison offre des salles de réunion aux associations de la ville et accueille diverses manifestations : Salons de musique, expositions, Journées du patrimoine… Son jardin romantique préservé, ouvert à tous, accueille un espace de jeux très apprécié des enfants. Elle est également une étape obligée de deux circuits de découverte d’Éragny, élaborés par les associations Mémoires d’Éragny, Les amis du village et Chemins et rencontres.
* aujourd’hui Île Maurice
** aujourd’hui La Réunion
Grande & petites histoires
Danièle Lancelle, secrétaire des Amis du village d’Éragny
« Au moment où la ville nouvelle sortait de terre, à Éragny le plateau était en plein essor, mais le patrimoine du vieux village était en sommeil. Créée en 1979, notre association s’est donc donné pour buts de préserver et faire vivre l’héritage ancien ou récent de la ville. Ceci nous a conduits à combiner convivialité, découverte et valorisation d’Éragny et de son histoire. Notre action pour la maison Bernardin de Saint-Pierre illustre bien ce large éventail d’activités. En 2004, nous avons pris en charge la restauration de ses vitraux avec l’aide de la direction régionale des affaires culturelles (Drac). Dans le cadre du Contrat régional comprenant la rénovation de la maison, nous avons initié une souscription avec la Fondation du patrimoine pour participer au financement du projet. Par ailleurs, nous proposons des concerts et des conférences dans la maison. Nous participons à l’organisation de la brocante annuelle du village, qui s’installe notamment devant la maison. Au pied de la demeure – comme de onze autres sites du village -, nous avons installé un panneau de présentation, réalisé par nos soins. Enfin, nos recherches sur Bernardin de Saint-Pierre ont conduit à deux publications : Éragny, le dernier « Ermitage » et Regards sur l’esclavage au XVIIIe siècle. »