Les Villageoises : le logement pour tous

Publié le 25 novembre 2015

Au début des années 70, l'esprit de mai 68 trotte toujours dans les têtes. À Cergy, où la ville nouvelle incarne mieux que partout ailleurs l'émergence d'une nouvelle génération, naît alors un projet un peu fou : créer une résidence qui rassemblerait tous les âges et toutes les situations sociales...

Petit rappel historique : en 1970, la nouvelle préfecture du Val d’Oise, symbole de la ville nouvelle, est inaugurée au milieu des champs. Mais le concept de Cergy-Pontoise n’est pas seulement architectural. Il prévoit aussi un important volet d’animation sociale et culturelle, avec MJC, foyers de jeunes, éducateurs, travailleurs sociaux… De ce bouillonnement émerge un projet audacieux : imaginer un « urbanisme intégré », à travers la création d’un ensemble d’habitations, ouvert à tous les types de populations, que l’on prévoit de baptiser « unité village », puisqu’il doit recréer l’esprit du village en milieu urbain.

Les Villageoises, un GAG ?
Le projet est d’abord porté par le GAG (groupe d’animation globale), qui regroupe les acteurs sociaux de toutes les communes de la ville nouvelle. Celui-ci se transforme bientôt en Groupe d’action locale pour un urbanisme rénové (Galur). Malgré ces sigles un peu potaches – qui doivent faire froncer les sourcils des urbanistes officiels -, l’établissement public d’aménagement s’intéresse au projet, qui répond bien à l’esprit innovant de Cergy-Pontoise.
Une structure est alors créée pour gérer l’ensemble : l’Association pour un urbanisme intégré (APUI), qui existe toujours (voir encadré « Grande et petites histoires »). Les architectes travaillant sur la ville nouvelle acceptent d’apporter leur expertise à ce projet novateur.
Il faut néanmoins faire quelques concessions au principe de réalité : plutôt que le village imaginé à l’origine par le GAG, ce sont finalement des immeubles qui voient le jour en 1976 dans le quartier de la Justice Mauve à Cergy, construits par la société d’HLM Richelieu. Leur architecture rappelle étonnamment celle des stations de ski à la mode de l’époque, à l’image d’Avoriaz.

Deux bâtiments et une rotule
Ces concessions architecturales ne remettent néanmoins pas en cause l’esprit du projet, ni le nom des Villageoises, choisi dès l’origine. Le permis de construire est délivré en janvier 1976 et le programme – 111 logements et 35 chambres – comprend une « unité village » destinée à un hébergement permanent et une « auberge sociale » (foyer d’hébergement) pour des hébergements de courte durée. À côté des locataires « classiques », une partie des logements est réservée à des jeunes travailleurs, d’autres à des personnes âgées et d’autres encore à des familles en difficulté. Ces logements sont répartis indifféremment entre l’unité village et l’auberge sociale. Les deux bâtiments sont reliés par des locaux communs, aussitôt dénommés « la rotule », qui abritent différents services et un restaurant ouvert sur le quartier.
Ce qui pouvait passer au départ pour une utopie s’est finalement concrétisé : bien intégrées au quartier et à la commune, Les Villageoises font désormais partie du paysage cergypontain. De son côté, l’APUI, qui gère toujours l’ensemble, a développé d’autres projets sur le territoire de l’agglomération. Si le contexte a changé – en particulier avec les difficultés nées de la crise économique – l’association a su rester fidèle à l’esprit des origines : celui de la diversité des publics et des réponses à proposer.

Grande & petites histoires

Yannick Maurice, présidente de l’association APUI

« Les fondateurs des Villageoises voulaient aller au-devant des publics en difficulté, tout en privilégiant la diversité et la mixité des populations. Cette idée perdure aujourd’hui au sein de l’association, qui continue d’accueillir dans ses différentes structures à la fois des jeunes travailleurs et des personnes âgées. Mais ce qui a changé par rapport aux années 70, c’est l’ampleur des difficultés sociales. Aujourd’hui, nous prenons en charge des personnes en grande difficulté, dont l’hébergement est loin d’être le seul problème. Il faut mettre en place un véritable accompagnement, avec pour objectif l’intégration par l’autonomie. Autre changement majeur : on ne peut plus agir seul. Le travail social s’inscrit nécessairement dans un réseau d’acteurs et de partenaires.
Aujourd’hui, l’APUI et ses soixante salariés gèrent plus de 300 logements dans le Val d’Oise, hébergent 2 000 personnes par an et en accueillent environ 10 000 dans leurs diverses manifestations : ateliers, colloques… L’association compte désormais trois établissements à Cergy, Éragny et Beaumont (avec des annexes à Persan et Villiers Champagne). Elle propose pratiquement toutes les formes d’hébergement, depuis l’hébergement d’urgence jusqu’à la résidence pour personnes âgées, en passant par l’accueil de jour, les abris de nuit, les résidences familles… »