Nous sommes à la fin du XIXe siècle. À l’époque, Maurecourt est encore un village de 400 habitants. Dans son tableau Le village de Maurecourt, Berthe Morisot (1841-1895) en montre quelques maisons, noyées dans la douceur du paysage. Si Berthe vient régulièrement y planter son chevalet entre 1870 et 1885, c’est que sa sœur ainée Edma – à laquelle elle est très attachée – y possède une maison avec son mari, toujours visible au 21 rue du Général de Gaulle.
Belle et rebelle
Pour les impressionnistes, pas question de rester enfermé dans son atelier à peindre des sujets historiques ou des envols de nymphes. Il faut au contraire s’inspirer de la vie quotidienne, saisir la vérité de l’instant, rendre les vibrations de la lumière… Berthe Morisot est l’une des figures du mouvement. Issue d’une famille fortunée et férue d’art – son père est préfet puis conseiller à la Cour des comptes, sa mère descend du peintre Fragonard – Berthe bénéficie, avec ses sœurs Edma et Yves (!), d’une formation artistique rarissime pour des jeunes filles de l’époque. Belle – elle sert à plusieurs reprises de modèle à Édouard Manet, avant d’épouser son frère Eugène -, rebelle et ambitieuse, elle ne veut pas de l’enseignement traditionnel. Elle fréquente plutôt l’atelier de Corot – un ami de ses parents -, avant de rejoindre le mouvement impressionniste. Elle en sera l’une des artistes les plus en vue, peignant avant tout des paysages et des scènes de la vie familiale, en utilisant souvent ses proches comme modèle. Aujourd’hui, la quinzaine de toiles peintes à Maurecourt sont présentes dans quelques-uns des plus grands musées du monde.
Mort et résurrection
À la mort de l’artiste en 1895, Maurecourt perd petit à petit le souvenir de Berthe Morisot. Mais, il y a quelques années, un habitant de la commune en voyage aux États-Unis tombe, dans sa chambre d’hôtel de Washington, sur une reproduction du Village de Maurecourt ! Aussitôt, branlebas de combat… La municipalité accompagne le « retour » de Berthe Morisot, donne son nom à la bibliothèque de la commune, puis participe à la création du sentier commenté qui porte son nom.
Il est vrai que les habitants de Maurecourt lui devaient bien ça. Dans une lettre que lui adresse son mari Eugène Manet, resté à Paris, ne lui écrivait-il pas : « Je me sens très esseulé sans vous ; votre joli ramage, votre joli plumage me manquent beaucoup. Faites en profiter les habitants de Maurecourt, qui ont l’air un peu triste… ».
Grande & petites histoires
Marie-Josée Meile, présidente de l’association « Autour de Berthe Morisot »
« L’association a été créée en 1996 par Liliane Pinson – récemment décédée -, lorsque Maurecourt a renoué avec le souvenir de Berthe Morisot. Je lui ai succédé en 2006. Le premier panneau affiché sur le sentier qui porte son nom, au cœur du village, remonte à 1997. Il s’agissait de la biographie de Berthe Morisot. Puis, la première reproduction d’un tableau peint à Maurecourt – La Chasse aux papillons – a été installée par la mairie l’année suivante. Nous avons continué année après année, jusqu’aux onze panneaux actuels. Cela peut paraître simple, mais il n’en est rien. Il faut en effet obtenir les droits de reproduction auprès des musées propriétaires des toiles. Par exemple, nous n’avons pas pu obtenir l’autorisation pour Le Village de Maurecourt, qui est dans une collection privée. En revanche, nous avons toujours bénéficié du soutien du SIAAP – le service public de l’assainissement francilien – qui possède le terrain. Il faut savoir que, sous le sentier, circule une canalisation reliant la station d’Achères à Paris. C’est le SIAPP qui y a planté des arbres et entretient le sentier. Celui-ci est aussi une portion du sentier de grande randonnée qui se dirige vers Mantes. Beaucoup de marcheurs découvrent ainsi les œuvres de Berthe Morisot au fil de leur balade. Pour certaines occasions, comme les Journées du patrimoine, nous organisons une visite du sentier avec une présentation commentée des œuvres. »