Le rêve fou de l’aérotrain

Publié le 24 septembre 2020

Relier Cergy-Pontoise à La Défense en dix minutes : telle était l'ambition du projet révolutionnaire d'aérotrain, piloté dans les années 70 par les plus hautes sphères de l'État. Abandonné pour des raisons de délais et de fiabilité, il a laissé place au RER et au Transilien.

À la fin des années 60, le TGV n’est qu’un projet, tandis que la première ligne de RER est encore en cours de construction. Avec une vitesse de croisière comprise entre 200 et 300 km/h, l’aérotrain, se déplaçant sur un coussin d’air, sans contact avec le sol, apparaît donc comme une technologie révolutionnaire. En mars 1971, ce projet semble près de voir le jour quand un conseil ministériel valide le principe de sa réalisation.

L’agglo, future banlieue parisienne

À l’époque, la ville nouvelle de Cergy-Pontoise et le quartier de la Défense sont en pleine construction. Un projet de tracé entre les deux futurs pôles d’activité, initié par ces derniers, vient donc s’ajouter aux deux premières possibilités de lignes expérimentales devant relier pour l’une Roissy et Orly et, pour l’autre, Paris et Orléans. Le 29 juillet 1971, le verdict tombe : la ligne Cergy-La Défense doit être construite en premier. En effet, des financements ont déjà été dégagés, sur la base de la ligne de RER inscrite dans le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) de la région parisienne de 1965.
aérotrain Cergy-Pontoise

En 1974, l’aérotrain (en bas de l’image) figure en bonne place dans une brochure promotionnelle de Cergy-Pontoise éditée par l’Établissement Public d’Aménagement de la ville nouvelle.

Un projet ambitieux

Avec un budget initial équivalent à 48 millions d’euros, la future ligne doit permettre de parcourir une vingtaine de kilomètres en une dizaine de minutes dès 1976, pour un prix au trajet compris entre 76 cents et 1,07 euros. Le syndicat des transports parisiens (l’actuel Stif) devient le maître d’ouvrage du chantier. Le choix de la technologie est arrêté – un moteur électrique permettant d’éviter bruit et pollution -, tout comme le tracé, contournant la forêt de Saint-Germain-en-Laye. Sans surprise, le projet d’aérotrain attire dans la ville nouvelle de nombreux acteurs économiques de premier plan, comme le géant américain 3M, connu pour ses marques Scotch et Post-it.

Un reportage de France 3 Orléans sur l’aérotrain en 1999 © INA.

Un coup d’arrêt brutal

Alors que les critiques s’accumulent, Valéry Giscard d’Estaing, qui ne soutient pas la technologie de l’aérotrain, est élu président de la République en mai 1974. Peu de temps après, en juillet, le gouvernement annonce l’abandon du projet et la construction d’un prolongement du RER A. La raison invoquée ? Le manque de fiabilité de la technologie choisie, qui conduirait à un important retard. Si le non-respect des délais est un problème pour la ville nouvelle, en pleine croissance, l’abandon du projet n’est pas sans conséquences. Ainsi, l’entreprise 3M est libérée de ses engagements, même si elle choisit in fine de rester. Par ailleurs, l’arrivée des transports en commun régionaux est retardée. La gare de Cergy-Préfecture accueille seulement en 1979 la ligne L du Transilien et le RER A en 1988.

Grande & petites histoires

Bertrand Warnier, vice-président de l’atelier de maîtrise d’œuvre urbaine, responsable de l’urbanisme de Cergy-Pontoise de 1968 à 1996

« Il est vrai qu’une liaison rapide avec le centre de Paris serait un avantage. De ce point de vue, l’abandon de l’aérotrain est regrettable, tout comme le fait que le Grand Paris Express ait oublié Cergy-Pontoise. Et si la desserte interne de l’agglomération est excellente – une véritable colonne vertébrale -, les problèmes rencontrés par le RER A, notamment, l’éloignent du reste de la région et n’encouragent pas les investisseurs. Les accidents d’exploitation de cette ligne proviennent de la trop grande utilisation du tronçon central. Cela explique pourquoi les cadences ne sont pas plus soutenues. Elles pourraient cependant être mieux réparties entre le tronçon de Saint-Germain-en-Laye et celui de Cergy. Le premier est en effet desservi plus fréquemment que le second, alors que ses besoins sont moindres ! Dans l’idéal, il faudrait également que la ligne C, au terminus situé en gare de Pontoise, rejoigne le RER A à Cergy-Préfecture. Comme ces stations sont distantes d’environ 1 600 mètres, les échanges entre les deux devraient pouvoir se faire autrement que par bus. Cela pourrait donner du poids à l’extension du centre de Cergy vers Pontoise, et réunir la ville neuve et le cœur historique. Mais je suis optimiste : la liaison se fera sans doute un
jour ! »