Le pont de Pontoise : et au milieu coule une rivière

Publié le 1 avril 2013

Avec ce premier épisode d’une série qui en comptera trois, 13 comme une vous conte l’histoire d’une rivière qui a façonné le territoire cergypontain. Retour à la source...

On l’oublie un peu aujourd’hui, mais Pontoise fut d’abord… un pont sur l’Oise. Nos ancêtres n’ont pas choisi ce lieu au hasard. À l’origine, il offrait en effet un gué permettant à la chaussée Jules César – la voie romaine reliant Lutèce (Paris) à Rotomagus (Rouen) – de franchir la rivière. Cette position en fait très vite un emplacement stratégique, car il barre la route aux incursions des redoutables Vikings. Le pouvoir royal l’a bien compris, qui fortifie Pontoise en s’appuyant sur la place forte naturelle du mont Bélien dominant la rivière de ses 50 mètres. Le village y gagne ses galons de ville royale. Et comme l’Oise est aussi une voie de transport des marchandises, Pontoise accueille la très célèbre Foire Saint-Martin, qui fêtera en novembre 2015 sa 845e édition.

Un droit de travers

Avant même le Moyen-Âge, il existait sans doute un pont en bois, dont il ne reste plus de traces. Mais le premier pont de pierre voit le jour vers la fin du XIe siècle et sera conservé jusqu’en 1800. Avec ses 110 mètres de long et ses 13 arches – dont deux laissent passer les bateaux –, c’est un pont bâti, qui comporte des habitations et des moulins à roue pendante, un système astucieux permettant à la roue d’être montée ou descendue selon le niveau de l’eau. Côté Pontoise, une porte fortifiée en protège l’accès. Du côté de Saint-Ouen l’Aumône, c’est un véritable châtelet, avec ses deux tours menaçantes. Ces défenses ont une vocation militaire, bien sûr, mais aussi… fiscale. Car hommes et marchandises doivent payer un « droit de travers » pour passer sur et sous le pont !

L’Oise canalisée

Le pont est remodelé entre 1800 et 1840, pour permettre le passage de bateaux plus importants. Mais la révolution industrielle impose la canalisation de l’Oise, dont le chantier est lancé en 1835. Les préoccupations militaires sont oubliées. Il s’agit désormais de répondre aux besoins de l’industrie et de chauffer les Parisiens en leur apportant le charbon du Nord. Sept barrages et écluses sont construits sur l’Oise, dont un légèrement en aval de Pontoise. La canalisation de la rivière permet de faire naviguer des bateaux de 300 tonnes maximum au lieu de 100 initialement. En régulant le flux, elle rend aussi l’Oise navigable plus de 300 jours par an, contre seulement 160 auparavant. En 1896, une deuxième canalisation est mise en service, avec une grande écluse de 125 mètres, et un nouveau barrage en 1913. La voie est désormais libre pour le formidable développement de la batellerie. Mais c’est déjà une autre histoire ! (à suivre…)

Grande & petites histoires

Claude Legout, vice-président de la Société historique et archéologique de Pontoise, du Val d’Oise et du Vexin

Les remorqueurs et les automoteurs ne sont apparus qu’avec la vapeur, puis le diesel. Auparavant, un seul moyen pour remonter la rivière : le halage humain ou animal. Des chemins de halage furent aménagés tout au long de l’Oise, aux rives débarrassées de végétation. La traction était assurée soit « à la bricole » (par des hommes), soit par des chevaux, ânes, mulets ou bœufs. Songez, par exemple, que faire passer sous un pont une besogne de 100 tonnes pouvait mobiliser 60 chevaux et 100 personnes ! Avec les méandres de l’Oise, puis de la Seine, la distance de Pontoise à Paris par le fleuve est de 80 Km, et non pas 30 comme par l’autoroute ! De plus, il fallait changer de rives en fonction des méandres : remonter de Rouen à Paris prenait plus de trois semaines, avec 50 changements de rives. La dureté du métier rendait haleurs et charretiers agressifs : les bagarres n’étaient pas rares… Rien à voir avec les mariniers bardés d’informatique d’aujourd’hui.