Camille Pissarro découvre Pontoise en 1866 et, pendant près de dix-huit ans, la peint comme aucun autre. C’est d’ailleurs pour cette raison que le peintre la choisit. Pontoise était, en effet, vierge de tout coup de pinceau avant le sien. Et pour un paysagiste qui cherche à se démarquer de ses contemporains, c’est un atout majeur. Pontoise présente d’autres avantages, dont sa proximité avec Paris, et une grande diversité de paysages : urbains, industriels, ruraux, fluviaux…
Une ville pour muse
En 1872, Pissarro s’installe avec sa famille dans le quartier de l’Hermitage et invite ses amis peintres à le rejoindre : Belliard, Guillaumin, Cézanne… Avec ce dernier, c’est le début d’une longue collaboration. Les deux artistes impressionnistes partagent les mêmes motifs : Pontoise, ses chemins, ses jardins, ses ponts… La ville sera croquée sous toutes les coutures. Avec le départ de Pissarro dans l’Oise débute une période d’oubli. Pendant près d’un siècle, Pontoise néglige sa mémoire. En 1975, l’association Les amis de Camille Pissarro réveille la belle endormie et encourage la ville à créer un musée consacré au peintre, à ses fils – Lucien, Georges, Ludovic-Rodo -, mais aussi à d’autres grands paysagistes. Des archives et des œuvres sont alors acquises par donation ou par achat. Le musée Camille Pissarro est inauguré en 1980, à l’occasion des 150 ans de la naissance du peintre. Installé au premier étage d’une maison bourgeoise, située sur le site de l’ancien château, le musée domine la vallée de l’Oise. Celui-ci présente, par rotation, des œuvres de Camille Pissarro, Georges Manzana-Pissarro, Signac, Guillaumin, Hayet, Piette, Daubigny…
Le musée repousse les murs
Avec le temps, le bâtiment a pris de l’âge et sa surface s’avère trop étroite. Dans l’idéal, il faudrait pousser les murs et lui refaire une jeunesse. Aux grands maux, les grands remèdes ! La ville décide d’attribuer au musée la totalité du bâtiment et de le rénover. N’oublions pas que Pontoise s’est vue décerner, en 2006, le très convoité Label « Ville d’art et d’histoire », par le ministère de la Culture, pour la richesse de son patrimoine. C’est donc un musée flambant neuf qui ouvre ses portes le 18 mars. La collection s’étend désormais sur deux niveaux et bénéficie d’un nouvel accrochage. Cette inauguration s’inscrit dans une actualité débordante. Camille Pissarro fait, en effet, l’objet de trois expositions, à Paris – musée Marmottan-Monet et musée du Luxembourg – et à Pontoise, au musée Tavet-Delacour. Une occasion pour Pontoise de nous rappeler à son bon souvenir…
L’une des salles du musée Pissarro rénové
Grande & petites histoires
Christophe Duvivier, directeur des musées Tavet-Delacour et Camille Pissarro de Pontoise
« Le musée Camille Pissarro ouvrira ses portes en même temps qu’une exposition au musée Tavet-Delacour consacrée aux gravures de l’artiste. Pissarro fut aux côtés de Degas, le grand rénovateur de la gravure originale. Par ses recherches associant librement eau-forte, aquatinte et pointe sèche, il a inventé l’estampe impressionniste. Pissarro nommera d’ailleurs ses gravures : des impressions gravées. L’exposition bénéficie des collections du musée Camille Pissarro, mais aussi du partenariat exceptionnel de la Bibliothèque Nationale de France avec le prêt d’une quarantaine d’estampes. Cet important ensemble, complété par des prêts de collections privées et de précieux monotypes du musée d’art moderne André Malraux au Havre et du musée Faure d’Aix-les-Bains, constitue la plus importante exposition de son œuvre gravé. C’est dire la richesse de l’exposition ! Le public pourra y admirer différentes techniques et motifs : paysages, scènes de marchés, baigneuses, vues urbaines et portuaires… et bien sûr toute une série consacrée à Pontoise. L’occasion de redécouvrir la ville sous un autre jour. C’est d’ailleurs pour s’en protéger que l’exposition aura lieu au musée Tavet-Delacour. Les gravures nécessitent en effet des conditions d’exposition très rigoureuses : une lumière douce sans ultra violet. Une pénombre dans laquelle les œuvres s’illuminent ».