Dans la grande rue du vieux village, à deux pas de la mairie et de l’église, la façade est celle d’une paisible auberge. Seul un panneau au-dessus d’une porte cochère, « Le théâtre Saint-Vincent », intrigue le passant. Poussez donc la porte du restaurant et vous découvrez la salle accueillante d’un établissement relancé en 2007 par Christophe Bayle, un restaurateur qui a fait ses classes au Jardin des Lavandières à Pontoise (alors étoilé au Michelin).
Le spectacle est au fond de la salle
Continuez jusqu’au fond de la salle. Vous passez sous l’arche de rocaille au pied de l’escalier. Montez quelques marches et vous découvrez… une incroyable salle de théâtre, invisible depuis la rue. L’histoire de ce lieu insolite dont la présence remonte à 1816 est fortement liée à celle de la commune. En 1866, la salle est reconstruite après un incendie et se dote alors de son théâtre à l’italienne avec balcon et de son décor baroque aux motifs végétaux. Véritable lieu de mémoire, le bistrot-théâtre Saint-Vincent est intimement associe à la vie de Jouy-le-Moutier, qui compte alors quelques centaines d’habitants. Le restaurant de 200 couverts est très fréquenté. L’établissement fait aussi office d’épicerie et de mercerie et dispose, dans les années 1920, du seul téléphone et de la seule pompe à essence du village…
L’esprit du village
De son côté, la salle attenante devient vite le principal lieu de sociabilité. On y organise des bals, la fête de la Saint-Vincent, des repas de mariage – avec la photo traditionnelle sous la rocaille au pied de l’escalier –, le banquet des pompiers ou des chasseurs, des repas de famille, la remise de prix aux écoliers méritants… Le théâtre accueille même, vers 1925, les premières séances de cinéma, avec un projecteur installé au balcon.
Le bistrot-théâtre périclite après la Seconde Guerre mondiale. L’épicerie et le restaurant ferment, la salle n’est plus entretenue… Le lieu renait pourtant dans les années 1990, grâce à une descendante des anciens propriétaires, qui se prend de passion pour le site. Des élèves des Beaux-Arts de Paris restaurent le plafond et le premier spectacle se tient en 1996. Des vedettes des cafés-théâtres parisiens n’hésitent pas à s’y produire, comme Christophe Guybet, Jean-Luc Lemoine ou Thierry Samitier. Le restaurant rouvre à son tour en 2004, avant d’être repris trois ans plus tard par Christophe Bayle. Dans une commune profondément transformée depuis la création de la ville nouvelle, c’est un peu de l’esprit du vieux village qui revit…
Grande & petites histoires
Christophe Bayle, Chef du Bistrot du théâtre.
Apres avoir travaillé dans plusieurs restaurants et chez un grand traiteur, Christophe Bayle cherchait une petite affaire où proposer une cuisine du terroir. Un lieu où sa sensibilité pourrait s’exprimer, où les gens du quartier aimeraient se retrouver. Il y a sept ans, ce cuisinier restaurateur, enfant de la ville nouvelle – il a grandi à Cergy –, a trouvé son bonheur : le bistrot du théâtre Saint-Vincent. « Il s’agit d’un lieu d’histoire, mais aussi de mémoire pour les habitants du coin, un haut lieu de socialisation. Il était là bien avant la ville nouvelle et témoigne d’un passé que les gens veulent désormais retrouver. Après dix ans d’inoccupation, nous voulions rendre le lieu aux habitants et lui donner une nouvelle dimension », explique-t-il. Christophe Bayle a, en effet, su redonner au bistrot ses lettres de noblesse avec sa cuisine authentique à base de produits du Vexin. « Nous nous approvisionnons au maximum avec des produits naturels et locaux », assure le restaurateur. À l’occasion des Journées du patrimoine, il a d’ailleurs concocté un menu spécialement vexinois, avec en dessert un « Jocassien » – du nom des habitants de Jouy-le-Moutier –, lui aussi historique !