La ville nouvelle est une page blanche, un lieu à inventer. Un espace de liberté pour les urbanistes, les architectes, mais aussi pour les artistes. Dès sa création dans les années 70, Cergy-Pontoise offre un tremplin à l’art urbain. Grâce au soutien financier de l’État, l’Établissement public d’aménagement (EPA) double la création de la ville nouvelle d’une politique artistique ambitieuse. Une incitation à repenser la relation entre l’art et l’espace public. Sculptures, fresques, céramiques, mosaïques… Trente ans plus tard, une centaine d’œuvres participent de l’ADN de Cergy-Pontoise, dont les dernières en date, celles des artistes béninois Zount et Simplice Ahouansou, ont été installées en 2015 à l’occasion de la célébration des 20 ans du partenariat entre Cergy-Pontoise et la capitale du Bénin (Cf. article ci-dessous). Des projets réalisés, pour nombre d’entre eux, au titre du « 1% artistique ».
Merci au 1% !
Depuis 1951, ce dispositif impose aux maîtres d’ouvrage publics de consacrer 1% du coût d’une construction neuve à la commande ou à l’acquisition d’une œuvre spécialement conçue à cet effet. Une mesure destinée à soutenir la création contemporaine – les artistes vivants ! –, à sensibiliser le public et à intégrer les arts dans l’architecture. La grande nouveauté est en effet de faire intervenir l’artiste au stade de la conception du bâtiment. Avant d’être étendu à tous les édifices publics, le « 1% » ne concernait, au départ, que les établissements scolaires.
Photo de classe – Denis Mondineu – 1983 – Terre cuite teintée – Grandeur nature
Les écoles de Cergy-Pontoise offrent donc à de jeunes artistes un espace d’expression : Photo de classe de Denis Mondineu au groupe scolaire de la Belle Épine, L’enfant et le savoir de Claude Cehes au collège Gérard Philipe, les céramiques de Brigitte Komorn à l’école du Gros caillou, Le Coq de Virginia Tentindo à l’école du Vast, Les Fruits de Maryse Eloy au groupe scolaire du Parc… Autant d’œuvres ludiques qui accompagnent le quotidien des enfants. D’autres embellissent discrètement certains édifices : les bancs et les poignées de l’université façonnés spécialement pour le bâtiment, les garde-fous en forme de locomotive stylisée ornant la place Charles de Gaulle à la gare de Cergy-Préfecture… Sur le quai de la gare RER de Cergy-le-Haut, des reliefs muraux métalliques de Jean-Michel Alberola, à l’intitulé poétique Ceux qui attendent, représentent 17 sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco : les pyramides de Gizeh, le temple d’Angkor, le Taj Mahal, la tour de Pise… une invitation à voyager !
Figures de proue
Certaines œuvres – cette fois acquises après leur création – sont devenues emblématiques de Cergy-Pontoise. Le majestueux bronze de Don Quichotte est ainsi, à l’origine, une sculpture en plâtre réalisée par Charles Gir à la demande du roi d’Espagne dans les années 30. Mais la guerre civile espagnole éclate et la sculpture reste dans l’atelier du sculpteur, jusqu’à ce que l’EPA fasse réaliser un bronze et lui donne une place de choix sur le parvis de la Préfecture. Aux yeux des urbanistes, Don Quichotte représente l’utopie réalisée de la ville nouvelle. Autre figure symbolique : Retour du marché, la jeune fille à la bicyclette située sur le parvis de la Préfecture. Lors d’une promenade dominicale, la sculpture de Joseph Erhardy – alors exposée à la galerie Beaubourg – tape dans l’œil de Jean-Claude Douvry, directeur général de l’EPA dans les années 80. Son thème et sa fraîcheur évoquent une ville où le cycliste a une place centrale. Une vision prémonitoire…
Grande & petites histoires
Jean-Claude Rault, ancien chargé de mission valorisation du patrimoine à la Communauté d’agglomération
« En 2008, une équipe de quatre étudiants de l’université de Cergy-Pontoise a réalisé son mémoire de Master « Développement culturel et valorisation du patrimoine » sur le thème des « Œuvres d’art issues de la commande publique sur le territoire de l’agglomération »*. Ce travail a permis de recenser une centaine d’œuvres dispersées – parfois cachées – dans toute l’agglomération. Peinture, sculpture, céramique, vitrail, mosaïque, tapisserie, aménagement végétal… Des œuvres caractérisées par leur diversité. Malheureusement, certaines n’ont pas résisté à l’usure du temps ou aux dégradations. Car loin de l’enceinte protectrice des musées, l’art en ville est, par essence, plus fragile. L’espace public est sa raison d’être. Sa force, mais aussi sa faiblesse ».
*Ce mémoire est consultable au Centre de documentation sur l’urbanisme sous la cote CACP – CDU CP 7892