La saga de l’Oise : au creux de la boucle

Publié le 2 mai 2013

Au cœur de Cergy-Pontoise, la boucle de l’Oise a créé une configuration géographique qui se lit toujours dans l’agglomération actuelle.

Une anecdote pour commencer. Nous sommes à la fin des années 1960 ; Paul Delouvrier – le délégué général au Grand district de la région parisienne – a déjà repéré cette boucle de l’Oise sur laquelle il verrait bien s’installer l’une de ces villes nouvelles dont il a la responsabilité. Venu sur place, il déambule sur le plateau et cherche à apercevoir la maison de Gérard Philipe. Il croise un agriculteur qui le renseigne et lui explique que c’est le plus beau paysage de la région et qu’on y construira un jour… une ville !

Une incroyable modernité

Les équipes d’urbanistes ont sorti leurs planches à dessin. Bernard Hirsch, le responsable de la future ville nouvelle, a alors une idée d’une incroyable modernité à une époque où l’écologie n’existe pas. Plutôt que de bâtir la ville nouvelle à l’intérieur de la boucle de l’Oise, où les sablières et les terres agricoles fourniraient pourtant les surfaces nécessaires, on la construira sur le pourtour extérieur et en préservant les rives.
Il est vrai que le paysage se prête à cette approche innovante, avec ses trois niveaux en amphithéâtre – le plateau, les coteaux et la plaine – tous trois ouvrant sur une perspective sans pareille vers La Défense, qui sort à peine de terre, et Paris. Le centre de la boucle deviendra donc une réserve naturelle. Mais le lien entre l’Oise et la ville nouvelle ne s’arrête pas là. Puisqu’une sablière est exploitée au cœur de la boucle, on en tirera le sable pour produire le béton nécessaire à la construction des immeubles. À force de creuser, vient l’idée que ces trous pourraient bien devenir des étangs. Qui deviendront eux-mêmes – après aménagements – la Base de loisirs de Cergy-Pontoise.

Un quartier « les pieds dans l’eau »

Changement de décor dans les années 1990. La ville nouvelle est sortie de terre et les constructions se développent le long de l’Oise. Les urbanistes repèrent un léger décrochement sur la rive entre le village et la passerelle de Ham. L’idée un peu folle naît alors d’y installer un quartier « les pieds dans l’eau » : Port Cergy. On creuse un ancien bras de l’Oise qui s’était comblé, pour créer la marina. Et, pour aménager le site, on fait appel à François Spoerry, l’architecte de Port Grimaud, la cité lacustre près de Saint-Tropez. Ambiance balnéaire garantie au cœur de l’Île-de-France.
Restait encore à inscrire symboliquement, dans le paysage, ce lien retrouvé entre la rivière et l’agglomération qui l’enserre. Ce sera l’Axe majeur et sa passerelle qui réunit, dans un geste majestueux, le plateau, les coteaux et la plaine, tout en reliant les deux rives de l’Oise…

Grande & petites histoires

Bertrand Warnier, responsable de l’urbanisme de Cergy-Pontoise de 1968 à 1996

Un des points forts de la ville nouvelle tient au refus d’une ville linéaire, uniquement fonctionnelle. En s’appuyant sur le méandre de l’Oise et sur la qualité du paysage, le choix a été fait d’une ville en amphithéâtre. Ce parti pris d’un espace naturel préservé au centre de la boucle a pu surprendre. Mais le modèle existe. À New York en particulier, ou plutôt Manhattan, construit autour de Central Park. On ne s’en rend pas compte, mais l’intérieur de la boucle de l’Oise a une surface équivalente – 400 hectares – à celle du célèbre parc new-yorkais. Mais les nouvelles constructions n’étaient pas immédiatement au contact de ce vaste espace et les habitants des nouveaux quartiers pouvaient se sentir frustrés. Les villages constituaient un cordon bâti continu entre la ville nouvelle et l’eau. Il fallait donc trouver des passages, des trouées permettant d’assurer le contact avec les espaces de la vallée et ses berges. Ce fut le cas avec la Maison du parc à Jouy-le-Moutier, Port Cergy, le parc des Larris à Pontoise, le parc et la maison Gérard Philipe à Cergy… Cela s’est fait – et continue à se faire – spontanément, en passant par les rues et venelles anciennes. Ce qui est une bonne manière d’associer l’ancien et le moderne mais aussi de tisser des liens entre nouveaux et anciens habitants.