La préfecture du Val d’Oise : le mystère de la grande pyramide

Publié le 3 février 2014

Construite au milieu de terres agricoles, la préfecture fut le premier bâtiment de la ville nouvelle, mais aussi le cœur du tout nouveau département du Val d’Oise. Plus de cinquante ans plus tard, elle reste le lieu de mémoire d’une grande aventure...

C’est peut-être une légende, mais l’histoire est belle : alors que l’architecte Henry Bernard, retenu pour le projet de la future préfecture du Val d’Oise, déjeune chez le préfet de l’époque, André Chadeau, il fait part de son idée de construire une pyramide. Sans se démonter, la jeune épouse du préfet lui répond qu’il s’agit là d’une idée très banale et qu’il serait bien plus original de construire une pyramide à l’envers. Aussitôt dit et – presque – aussitôt fait…

Le préfet aux champs

Lorsque l’État procède, en 1964, au redécoupage de la région parisienne et à la création du département du Val d’Oise – effective le 1er janvier 1968 – la question se pose de la nouvelle préfecture. C’est la sous-préfecture de Pontoise, alors rattachée au département de la Seine-et-Oise, qui est provisoirement choisie. Mais il est convenu que le bâtiment définitif s’installera au cœur de la future ville nouvelle, dont il sera à la fois le symbole et le premier édifice.
À l’époque, l’État ne s’embarrasse guère de concertations. L’emplacement est choisi par Paul Delouvrier – le haut fonctionnaire chargé de remodeler la région parisienne – lors d’un survol du site en hélicoptère. Coté architecture, le projet est confié à Henry Bernard, Grand Prix de Rome et qui vient d’achever la Maison de la radio. Il choisit de concevoir un édifice « symbolique par sa situation, par son esprit, par sa structure et par les techniques de pointe utilisées ».

Un chantier mouvementé

Lancé en juillet 1967, le chantier va durer trois ans et mobiliser plus de mille salariés de vingt nationalités. Pour protester contre les expropriations, les agriculteurs s’invitent sur le terrain. Ils vont y rester trois mois et finissent par obtenir une meilleure indemnisation. Le défi est aussi technique. À la différence des préfectures traditionnelles installées dans d’anciens palais ou hôtels particuliers, il s’agit de construire une « maison de verre » avec sa surface vitrée et son puit de lumière, accessible en permanence et ouverte sur la ville. La préfecture est alors reliée à une galerie accueillant un bureau de tabac – c’était avant les politiques de santé publique ! – un bureau de poste, l’entrée de cinémas et même, au premier sous-sol, ouvrant sur le futur parc François Mitterrand, un drugstore, autre grande nouveauté des années 60…

Grande & petites histoires

Un cendrier géant ?

Dans son livre de mémoires L’Invention d’une ville nouvelle, Bernard Hirsch, directeur de la mission d’aménagement et « père » de la ville nouvelle, raconte à propos du bâtiment de la préfecture : « les architectes de la mission d’aménagement, qui – comme c’est la règle dans la profession – ne sont pas tendres pour leurs confrères, ne ménagent pas les critiques au projet d’Henry Bernard : style pompier, architecture-cendrier (il est vrai que pendant des années, nous déposions nos mégots dans une petite maquette de la préfecture qui se prête admirablement à cet usage) ». Il est toutefois moins sévère lui-même : « Mon opinion est plus réservée. Je trouve le projet coûteux et peu rationnel avec ses porte-à-faux successifs, mais ce n’est pas mon rôle de défendre les finances de l’État ou de veiller au confort des fonctionnaires. En tant que responsable de la ville nouvelle, j’apprécie que le premier édifice ait un caractère monumental et une silhouette originale, reconnaissable entre toutes, qui marque une rupture avec les cubes ou les parallélépipèdes, vocabulaire habituel de l’architecture contemporaine ».