Maurecourt, dont le territoire baigné par l’Oise finit à quelques dizaines de mètres de la Seine, doit son passé batelier tant à la géographie qu’au progrès technique. Le touage s’installe en effet à Conflans-Sainte-Honorine en 1855 et perdurera jusqu’en 1931. Un système ou le toueur – un bateau équipé d’un moteur à vapeur – tire sur une chaîne posée au fond de l’eau pour tracter un train de péniches.
Une histoire d’hommes
Mais les barges descendues de l’Oise – tirées « à la bricole » (par des hommes) ou par des chevaux – doivent attendre leur tour durant plusieurs jours, voire des semaines, avant de se raccrocher à un « train » à destination de Paris. Amarrée sur l’Oise devant Maurecourt et Conflans, la longue file de péniches peut même remonter jusqu’à hauteur de Cergy lorsqu’une crue bloque la navigation sur la Seine. Alors, autant tirer parti de cette immobilisation forcée. Les mariniers et leurs épouses en profitent pour ravitailler et procéder à divers travaux d’entretien. Au fil des ans, toute une économie se développe à Maurecourt autour de la batellerie : épiceries, débits de boissons, fournisseurs d’agrès de marine (cordages, perches, câbles…), charpentiers – les péniches sont alors en bois –, mécaniciens, etc. L’apparition des remorqueurs à vapeur, puis des péniches automotrices, renforce encore l’activité batelière avec, par exemple, l’installation de fournisseurs de fioul (Maurecourt en comptera jusqu’à six).
Du déclin à la renaissance ?
Puis, c’est au tour des chantiers de réparation et de construction de navires de s’implanter sur la commune. Le premier s’installe dans les années 1920. Quatre autres suivront. On y carène, répare, construit et rallonge des péniches et même… une goélette ! Mais l’après-guerre ouvre l’ère des poids lourds et des autoroutes. L’État cesse d’investir dans le transport fluvial, qui décline lentement. Le dernier chantier de Maurecourt, fermé en 1986, a été réhabilité aujourd’hui en zone naturelle. La fin d’une histoire ? Pas si sûr. Plus écologique (une péniche peut transporter jusqu’à l’équivalent de 250 camions de fret), le transport fluvial tient peut-être sa revanche. Le futur canal Seine-Nord pourrait faire de la Confluence le port majeur du Grand Paris pour un nouveau trafic à grand gabarit. L’histoire accomplirait ainsi une grande boucle… comme celle de l’Oise.
Grande & petites histoires
Marinier retraité et président du Foyer des anciens de Maurecourt
« J’ai débuté en 1951 – à 18 ans et après avoir appris sur le tas auprès de mon père – et j’ai été artisan marinier jusqu’en 1993. D’abord sur des péniches tractées, puis, de 1960 à ma retraite, sur une péniche automotrice de 38 mètres de long et 380 tonnes. La vie de marinier n’avait rien de facile. Les péniches modernes disposent d’un logement équivalent à un F3 mais, à l’époque, nous vivions dans 16 m². Mais le plus dur, c’est la séparation. Nos deux garçons étaient pensionnaires à l’école de la batellerie de Conflans. Lorsque la péniche était à l’autre bout de la France, impossible de se voir durant les week-ends. La séparation la plus longue a duré près de trois mois. La révolution a eu lieu dans les années 1960, lorsqu’on a pu embarquer une voiture sur les péniches. Si nous n’étions pas trop loin, nous pouvions alors retrouver nos enfants. Heureusement, il y avait aussi de bons côtés : la fraternité de la famille batelière, l’indépendance et la beauté de certains trajets… »