Julien Longhi, les mots de la politique

Publié le 11 juin 2019

Julien Longhi, linguiste, est professeur à l’Université de Cergy-Pontoise. On lui doit des outils innovants d'analyse du discours politique qu'il met à disposition de tous.

Julien Longhi a eu le déclic à l’issue de ses années de classe préparatoire en Lettres. «  C’était le second tour de la présidentielle de 2002, Chirac – le Pen. Je me suis dit « Ce qu’il faut faire à propos de la politique, c’est décrypter les discours avec les outils de la linguistique ». Car le sens des mots dont usent les hommes politiques peut être bien différent de celui du dictionnaire. Et par le jeu de la syntaxe et des associations, ceux-ci en font varier le sens selon la représentation du monde qu’ils proposent. « Islam, liberté, sécurité, république… tous ces mots servent à des constructions du réel bien différentes ».

En poste à Cergy-Pontoise

Une fois sa thèse de doctorat soutenue à l’Université de Clermont Ferrand, Julien Longhi commence à enseigner, d’abord à Montluçon puis à Tours. En 2009 il est nommé Maître de conférences à l’Université de Cergy-Pontoise (UCP). Au sein du DUT Métiers du multimédia et de l’Internet, il enseigne la linguistique pour l’information-communication et fait tourner à plein les logiciels de textométrie nécessaires au codage numérique et à l’analyse approfondie des discours.

Discours politique et medias sociaux

Au tournant de la décennie 2010, le chercheur commence à s’intéresser au versant numérique de la parole politique, surtout sur twitter. «  Malgré les 140 caractères, les hommes politiques se sont adaptés aux contraintes linguistiques de Twitter : pas d’adverbes ni d’adjectifs qui modulent. Il en découle un discours plus radical ». S’appuyant sur les laboratoires de recherche cergypontains ETIS et AGORA et avec l’aide de la Fondation de l’Université de Cergy-Pontoise, il rassemble 34 000 tweet issus de 200 comptes sur la période des élections municipales de 2014. L’équipe parvient à passer cette importante matière au filtre des outils d’analyse les plus pointus. Surtout, Julien Longhi considère qu’il est important que ses travaux sur les tweet s’avèrent utiles. Les rendre accessibles à tous et au bon moment. C’est sur cette idée qu’est créée la plate-forme digitale IDEO 2017.

julien Longhi

Poster du projet Cicero présenté aux Rendez-vous du CNRS pour l’innovation © CACP

Un outil offert aux internautes

« La plate-forme IDEO 2017, lancée pendant les élections présidentielles et législatives de 2017, met à disposition du plus grand nombre des données et des outils pour analyser l’usage des mots par les candidats. Chacun peut y expérimenter, faire des hypothèses ». Et tirer ses propres conclusions de citoyen… Sur IDEO, on peut en effet faire des recherches par candidat, par mot-clé, par thématique et obtenir les différentes analyses sous formes graphiques. Les mots les plus fréquemment utilisés par tel candidat, les mots associés, et même les tweets d’origine : tout est disponible !

Les vidéos analysées

A 38 ans, maintenant Professeur des universités, notre spécialiste de l’analyse du discours politique dirige aussi l’Institut des humanités numériques, qui permet de rapprocher les disciplines scientifiques. Il s’est lancé dans un nouveau projet d’analyse des discours au sein de l’Institut Universitaire de France. Sous le nom de « Digital Doxa », il s’agit cette fois d’étendre le modèle d’une plate-forme numérique d’analyse à des contenus issus non plus seulement du politique mais aussi de l’économie, de la culture… Un vaste programme à 5 ans dont Julien Longhi a posé une première brique qui vient de frapper fort. Monté en 6 mois, son programme de plate-forme #CICERO a été retenu en mai dernier lors du salon « Innovatives Sciences Humaines et Sociales » du CNRS. Si on y retrouve la volonté d’ouverture à tous pour décrypter le langage politique, la grande nouveauté est que l’analyse porte maintenant sur les vidéos, dont les contenus ont pu être aspirés du web, enregistrés et les paroles retranscrites. Julien Longhi est-il allé au bout de la mise à nu des mots du politique ? Il reste à analyser l’image « pour saisir la communication non verbale des politiques ». Parlerait-on encore de linguistique ? « Non, cela deviendra de la sémiologie », l’étude des signes…

Consultez la page personnelle de Julien Longhi sur le site de l’UCP et suivez-le sur Twitter