Jean Pruvost, Doc Dico

Publié le 17 mai 2017

Son dernier livre, Nos ancêtres les Arabes, est un hymne au mélange des cultures par la langue. Coup de projecteur sur Jean Pruvost alias Doc Dico, l’une des principales figures intellectuelles associées à l’image de Cergy-Pontoise.

C’est à présent ce qui l’éclate et il n’en fait pas mystère. « Faire de la radio et écrire des livres » résume Jean Pruvost. À 67 ans, le renommé lexicographe, désormais professeur honoraire de l’Université de Cergy-Pontoise, où il a fait  toute sa carrière d’enseignant-chercheur depuis 1991, devient chaque jour « Doc Dico » dans l’émission éponyme sur Le Mouv’. En une minute et demie, il explique à ses jeunes auditeurs l’origine d’un mot tiré de paroles de rap comme « jacter », « kiff » ou « pécho ». « Partager avec le plus grand nombre des travaux normalement destinés à des spécialistes : c’est cela que je trouve intéressant, explique l’homme aux 10 000 dictionnaires. Et je n’ai pas l’impression de faire de la vulgarisation facile ».

Nos ancêtres les Arabes

L’autre facette de son engagement dans une large diffusion de ses recherches est l’écriture de livres accessibles et savants à la fois. Dans son dernier ouvrage, Nos ancêtres les Arabes – sous-titre : ce que notre langue leur doit – l’historien des mots est parti de la célèbre formule « Nos ancêtres les Gaulois… », souvent caricaturée car prise au pied de la lettre. Or du gaulois, il ne restait plus selon Jean Pruvost que 100 mots en usage dans la « France » des environs de l’an 840. À cette époque, près de 95% du vocabulaire venait alors du latin, une poignée de mots était d’origine germanique et moins encore d’origine normande.

Abricot, artichaut, aubergine…

Mais un millénaire plus tard, après l’anglais d’abord et l’italien ensuite, la langue arabe vient en troisième position des langues auxquelles le français a le plus emprunté. Des emprunts faits dans le temps long de l’histoire, depuis les croisades et le rayonnement intellectuel de la civilisation islamique, puis par les mouvements de colonisation/décolonisation et jusqu’au rap, encore lui. Dans son ouvrage, Jean Pruvost recense les mots empruntés, par thématiques, en commençant par … l’alimentation. Ainsi « abricot », « alcool », artichaut »et « aubergine » apparaissent-ils en premier des exemples de « ce que notre langue leur doit ».

Dictée des cités

Ce livre, qui vient de paraître, est-il un plaidoyer pour une ouverture aux cultures et aux hommes du monde arabe ? Oui, bien sûr, répond Jean Pruvost qui rappelle, au fil des dernières pages, son enfance à Saint-Denis dans un milieu familial militant et ouvert à la différence. C’est à ce moment du livre qu’il partage aussi sa jubilation lorsque, des années plus tard, il revient à Saint-Denis en tant que Doc Dico, pour la Dictée des cités où près de 1000 personnes, à plus de 90% issues de l’immigration, s’appliquent à écrire sans faute un extrait du Quatre-vingt-treize de Victor Hugo.

Un dico du rap

Ses projets ? Il y a d’abord l’Université de Cergy-Pontoise : s’il n’enseigne plus à proprement parler, Jean Pruvost reste actif au sein du département de lexicologie auquel il a fait don d’une partie de ses dictionnaires. Il continue à diriger plusieurs thèses et fait la promotion de l’établissement à chaque fois qu’il en a l’occasion. Mais Jean Pruvost prépare aussi quelques ouvrages parmi lesquels un « dico du rap » à venir en 2018. D’ici là, écoutons donc Doc Dico.

Lire et écouter Jean Pruvost

  • A lire :  Nos ancêtres les Arabes – ce que notre langue leur doit, JC Lattès, 2017
  • A écouter :  Doc Dico sur Le Mouv’, Un mot un jour sur RCF et Au nom des lieux sur France Bleu