Il est éventailliste, elle est dentellière. Marcinelle et Edmond forment un couple d’ouvriers misérables qui portent en eux une profonde déchirure, le souvenir de leur petite fille, morte faute d’avoir pu être soignée à temps. Ils se reprochent l’un à l’autre d’être l’un et l’autre attirés par les beaux messieurs fortunés et les belles dames en toilettes – et en somme de n’être ni l’un ni l’autre « assez riche pour être belle/beau ». L’irruption de Mademoiselle Eurydice, chanteuse de cabaret visiblement entretenue, et du baron de Gerpivrac, son « protecteur », va prouver que leurs jalousies ne sont pas sans fondement. Marcinelle et Edmond se voient déjà chacun projetés dans une vie nouvelle par ces amours qui s’offrent à eux. Mais l’ordre social et amoureux sera finalement préservé, chacun restera dans son monde.
Dans cette œuvre géniale aux multiples facettes, la dimension grotesque et une indiscutable drôlerie cohabitent avec l’amour si manifeste de Hugo pour l’humanité et la délicatesse avec laquelle il la regarde. De cet amour naît aussi sa révolte. Révolte devant les injustices, dont les ressorts n’ont rien perdu aujourd’hui de leur actualité.
Metteur en scène, écrivain, scénariste, traducteur et dramaturge, Xavier Maurel a mis en scène une vingtaine de spectacles et a notamment présenté au Théâtre 95 L’Île des esclaves de Marivaux, That scottish Play, dont il est l’auteur, et Je suis une chose qui pense d’après René Descartes. Il monte ici le texte d’Hugo avec sa compagnie Se non è vero…
Arnaud Laster, dans la préface à son édition du Théâtre en liberté de Victor Hugo, écrit qu’il s’agit là d’un « théâtre qui attend peut-être encore d’être reconnu pour ce qu’il est, une des séries de pièces les plus géniales du répertoire dramatique ». Au cœur de cette série géniale, prise entre des pièces touffues – et, il faut bien le dire, un peu bavardes – et des esquisses saisissantes – mais souvent peu abouties –, on trouve, comme un bijou dans son écrin, un chef-d’œuvre en un acte: L’intervention.