Art urbain : la gageure de l’Axe majeur

Publié le 2 novembre 2012

L’ardeur tenace de ses initiateurs a triomphé des épreuves : l’Axe majeur est devenu l’emblème de Cergy-Pontoise. Saga.

Un balcon tourné vers Paris

« Sculpture urbaine », « trait d’union avec l’Oise », « balcon vers Paris » : autant de manières de désigner l’Axe majeur. Né de la vision des urbanistes de l’Établissement public d’aménagement (EPA) de Cergy-Pontoise, l’axe en question avait à la fois la force d’une évidence géographique et la fragilité d’un projet fou, intégrant art, urbanisme, jardins et paysage. Trente ans ont été nécessaires avant que cet axe se matérialise en un chemin rectiligne de trois kilomètres, rythmé de 12 « stations », du plateau Saint-Christophe aux étangs de l’Île de loisirs 70 mètres plus bas !
Dès 1969, la beauté du panorama qui surplombe le dernier méandre de l’Oise avant le confluent fascine les urbanistes de l’EPA. Ils veulent préserver cet espace, alors vu comme centre de l’agglomération future, pour y créer « quelque chose de beau et de public ». Imposer le paradoxe d’un centre non constructible, occupé par un étang et un parc, sera leur première bataille. En clé de voute de l’arc formé par l’Oise, ils tracent un axe partageant l’intérieur de la boucle, depuis le plateau jusqu’à Ham. En 1980, deuxième bataille pour confier la réalisation de cet axe à un artiste et non à un paysagiste. Feu vert du directeur de l’EPA, pourtant sceptique.

L’acte fondateur : la tour Belvédère

L’arrivée de l’artiste Dani Karavan a introduit « du sensible » et un œil neuf dans le projet. Mieux : l’Axe obtient l’appui du ministère de la Culture en 1982, tandis qu’un comité de soutien réunit de grands noms de l’art, de la politique et de l’architecture. Un âge d’or d’une décennie s’ouvre. Malgré des blocages dus aux tracas financiers, l’Axe majeur emporte les adhésions. On inaugure : la tour Belvédère – origine de l’Axe – et le verger des Impressionnistes en 1986, l’esplanade de Paris en 1987, les Douze Colonnes – financées par 24 mécènes – en 1988, les pavés venus du Louvre en 1989, la première pierre des jardins des Droits de l’Homme, posée par François Mitterrand en 1990, la Pyramide en 1992.

Trois nouvelles stations

Dans le même temps, les Cergypontains s’approprient l’Axe, entre fête du bicentenaire de la Révolution française et Île de loisirs. Mais le projet patine jusqu’en 2002, année qui marque la fin de mission de l’EPA. Dès 2004, la Communauté d’agglomération, nouvellement créée, donne à l’Axe un nouvel élan et, en 2008, trois nouvelles stations sont ouvertes au public : la Passerelle, le Bassin et l’Amphithéâtre. Reste à finaliser l’Île astronomique et à mettre en valeur la vue panoramique de Cergy-Pontoise et de la boucle, depuis Neuville cette fois…

Grande & petites histoires

Michel Jaouën, architecte-urbaniste de l’Établissement public d’aménagement (EPA)

Michel Jaouën a consacré une bonne part de sa carrière à la ville nouvelle et à l’Axe majeur. C’est lui qui a proposé de recourir à Dani Karavan. « Je l’avais découvert peu auparavant, quand un dimanche, en passant près du site, j’ai su qu’il fallait que ce soit lui. Je lui ai donc écrit, en accord avec Bertrand Warnier, directeur de l’urbanisme. » Quelques semaines plus tard, il emmène l’artiste sur les lieux. Et l’alchimie opère. En 1982, il présente, avec lui, le projet à Jack Lang. « Il n’avait que trente minutes à nous accorder. Deux heures plus tard, il était toujours là, passionné ». Mais le projet rencontre des aléas. Le nouveau directeur de l’EPA décide de le suspendre. Bertrand Warnier « retarde » alors l’horaire d’une réunion cruciale, écartant ainsi le directeur et laissant trente minutes à Michel Jaouën pour défendre l’Axe majeur auprès des financeurs…