Annie Ernaux, prix Nobel de littérature !

Publié le 6 octobre 2022

L’écrivaine cergypontaine Annie Ernaux vient de se voir décerner le prix Nobel de littérature 2022. La distinction vient récompenser une œuvre qui lie trajectoire personnelle et enjeux de l’époque.

Annie Ernaux
Annie Ernaux en 2014 © Olivier Roller

La nouvelle est tombée ce midi : Annie Ernaux est prix Nobel de littérature 2022. Déjà pressentie pour recevoir la distinction l’an dernier, la Cergypontaine – elle est installée à Cergy depuis 1975 – est le 16ème lauréat français de cette distinction créée en 1901. Le dernier auteur français récompensé était Patrick Modiano, en 2014. Cette distinction suprême vient s’ajouter aux nombreux prix reçus tout au long de sa carrière, dont le prix Renaudot pour La Place en 1984 et le prix Marguerite Duras en 2008 pour Les Années.

Courage et acuité clinique

Annie Ernaux est récompensée pour « le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle », a expliqué le jury Nobel. « Annie Ernaux croit en la force libératrice de l’écriture. Son travail est sans compromis et écrit dans un langage simple, épuré, a salué l’académie. Avec beaucoup de courage et une grande acuité (…) elle a réalisé quelque chose d’admirable et de durable. »

Responsabilité

« Je considère que c’est un très grand honneur qu’on me fait et pour moi en même temps une grande responsabilité, une responsabilité qu’on me donne en me donnant le prix Nobel », a réagi l’écrivaine de 82 ans. « C’est-à-dire de témoigner (…) d’une forme de justesse, de justice, par rapport au monde », a-t-elle ajouté.

L’expérience d’une vie

A partir d’un matériau personnel – elle récuse le terme d’autobiographie – Annie Ernaux a toujours mêlé expérience intime et mémoire collective. D’une écriture neutre au style objectif revendiqué, elle a constamment exploré « l’expérience d’une vie marquée par de grandes disparités en matière de genre, de langue et de classe », comme l’a souligné l’académicien Anders Olsson. Ses ouvrages dissèquent aussi bien les tourments de l’ascension sociale (La Place, La Honte), la relation amoureuse et sexuelle (Passion simple, Se perdre, Le Jeune Homme), le mariage (La Femme gelée) ou l’avortement (L’Evènement) mais aussi des objets moins nobles, comme les supermarchés (Regarde les lumières mon amour), lieux de diversité sociale mais aussi de grande violence économique et symbolique.

Au cœur du monde en train d’évoluer

Dans une interview qu’elle donna à notre magazine à l’occasion de la sorte de ce dernier ouvrage, en 2014, celle qui fût professeur de lettres au collège des Louvrais à Pontoise entre 1975 et 1977, parlait ainsi de son attachement à Cergy-Pontoise : « Dans une nouvelle parue en 1985, j’écrivais qu’en vivant dans cette ville nouvelle j’avais l’impression d’être au cœur du monde en train d’évoluer, d’être en plein dans la déchirure entre hier et demain. Je pense que c’est toujours vrai et c’est passionnant. Il me semble que les existences peuvent y être plus égales que dans les villes traditionnelles. Et puis la nature est partout. De ma maison, je profite d’une large vue sur les étangs. Je n’imagine pas habiter ailleurs, mon histoire se confond maintenant avec celle de Cergy. »