L’ancienne usine a connu des dénominations multiples, mais elle est restée sous le nom d’Alcolevure. Elle est surtout un précieux témoignage du passé industriel de Saint-Ouen l’Aumône, dont elle a profondément marqué l’histoire.
Au rythme de la betterave
La présence d’une industrie sur le site remonte à 1837. Dès l’origine, l’usine est une sucrerie et elle le restera jusqu’à la fin. Pendant des décennies, la commune va donc vivre au rythme des arrivées de betteraves en provenance du Nord de la France. Par le fleuve tout d’abord, puis par le chemin de fer – Saint-Ouen l’Aumône va vite devenir un important nœud ferroviaire – et par des norias de camions, qui ne manquent pas de semer quelques betteraves dans les rues de la commune. Sans oublier l’odeur fade et un peu sucrée qui se répand dans la ville. Au plus fort de la récolte et de l’arrivée des betteraves en automne, l’usine va jusqu’en Bretagne et en Belgique pour chercher des travailleurs saisonniers. Le temps de leur présence, les premiers sont loges dans le « dortoir des Bretons » et les seconds dans le « dortoir des Belges ».
Préserver le patrimoine
Dans les années 1950, à l’apogée de son activité, l’usine emploie 250 permanents et 150 travailleurs saisonniers. Durant la saison, elle réceptionne chaque jour… 1 300 tonnes de betteraves ! Avec celles-ci, elle produit chaque année 2 150 tonnes de sucre, mais aussi 6 000 hectolitres d’alcool et 13 000 tonnes de levure. Mais bientôt, l’activité de l’usine, à l’écart des grands bassins de production, commence à péricliter. La dernière campagne sucrière a lieu en 1975 et l’usine ferme à la fin des années 70.
Mais ce symbole de l’activité industrielle de Saint-Ouen l’Aumône ne peut pas disparaitre sous la pioche des démolisseurs. En 1989, la commune rachète donc le bâtiment actuel, laissé à l’abandon alors qu’il constitue un remarquable exemple de l’architecture des années 1930. L’idée est bien sûr de le reconvertir, mais la présence, à proximité immédiate, d’une unité de production chimique classée « activité à risque » limite fortement les usages du lieu. En attendant, l’objectif est de préserver le bâtiment des ravages du temps. Après des travaux de désamiantage en 2012, la ville et la Communauté d’agglomération vont apporter chacune 300 000 euros pour assurer la réfection du toit et mettre hors d’eau ce témoignage du patrimoine industriel de Cergy-Pontoise.
Grande & petites histoires
Gérard Nairaince Ancien mécanicien chez Alcolevure
« Je suis entré chez Alcolevure en 1964. L’entreprise proposait des logements à certains salariés, ce qui était très appréciable étant donné la crise du logement à l’époque. J’habitais – et j’habite toujours puisque la société a finalement vendu les logements à ses salariés – à une centaine de mètres de l’usine. Après un essai de six mois, j’ai été embauché définitivement comme mécanicien. Je m’occupais de tout le parc roulant de l’usine, autrement dit d’une cinquantaine de véhicules : les camions qui livraient nos produits aux clients, des voitures et deux locotracteurs. Je suis resté jusqu’à la fin, en 1978. Le travail était assez physique et assez dur – surtout durant la campagne sucrière entre septembre et décembre – mais l’ambiance était bonne et même familiale. On faisait confiance aux gens. Je me souviens qu’en fin d’année, l’entreprise organisait un arbre de Noël pour les enfants des salariés dans la salle des fêtes de la mairie, en présence de Monsieur Lecomte, le maire de l’époque. Tout s’est achevé à la fin des années 70, car l’usine était devenue trop petite. Avec le développement de la commune, elle se retrouvait en pleine ville et n’était plus viable. Mais je garde quand même un bon souvenir de cette période de ma vie. »