Encore au seuil de sa carrière scientifique – il n’a que 34 ans – Sofiane Boucenna a pourtant déjà fait la preuve de son aptitude à « creuser son sillon ». D’abord en maintenant, depuis sa thèse, le cap de ses recherches sur la robotique et les émotions, mais aussi en faisant preuve d’une réelle fidélité à l’Université de Cergy-Pontoise. « C’est vrai que je suis arrivé ici à l’antenne de Saint-Martin en 2002, en première année de Sciences, et j’y ai fait l’ensemble de mon cursus ». Deug, Licence, Maîtrise… il enchaîne une cinquième année avec les « Master 2 » tout juste créés par la refonte des cycles du supérieur.
Intelligence artificielle
C’est à ce moment que Sofiane Boucenna se spécialise en intelligence artificielle. « J’ai d’abord fait un stage au laboratoire Equipes Traitement de l’Information et Systèmes (ETIS) puis, alors que je n’y pensais pas forcément au départ, j’ai entamé une thèse ». Celle-ci porte sur les émotions en robotique. Les acquis de la psychologie du développement ont mis en évidence que l’apprentissage des émotions passe par l’imitation, comme face à un miroir, entre le jeune enfant et sa mère, par exemple. Le jeune chercheur fait endosser au robot le rôle de l’apprenant, qui relie ce qu’il fait à ce qu’il voit.
Nouvelles technologies et autisme
Sa thèse achevée, Sofiane poursuit en « post-doc » au sein d’un projet européen baptisé « Michelangelo » qui implique les nouvelles technologies dans le traitement de pathologies, en l’occurrence l’autisme. « J’ai passé un an et demi au sein de l’unité du professeur David Cohen à la Pitié-Salpêtrière. C’était très positif de travailler en interdisciplinarité et j’y ai vu de jeunes patients faire des progrès extraordinaires ». Les expérimentations montrent qu’en phase d’apprentissage, le robot structure son réseau de neurones de manière différente selon qu’il interagit avec des enfants autistes, des enfants non-autistes ou des adultes. Et Sofiane Boucenna constate alors que le robot a besoin de mobiliser beaucoup plus de ses neurones lorsqu’il apprend avec des enfants autistes. Pour expliquer ce phénomène, les chercheurs font aujourd’hui l’hypothèse d’un déficit de proprioception – ou capacité à savoir où sont nos membres – chez les autistes. « Bien sûr ce n’est pas le seul facteur explicatif de l’autisme mais cette hypothèse a potentiellement de très fortes conséquences ».
Poursuivre les recherches
Aujourd’hui maître de conférences à l’UCP et membre du laboratoire ETIS où tout a commencé pour lui, Sofiane Boucenna entend poursuivre ses recherches dans la même direction. « Nous utilisons ici le fameux robot Berenson, « sensible à l’art ». Je voudrais maintenant rassembler dans un même programme de recherche esthétisme, robotique et autisme ». D’autres envies pour plus tard ? Chaussant cette fois la casquette du pédagogue, il explique. « Il faut donner un sens aux études des jeunes le plus tôt possible, les intéresser dès le collège ou la primaire ». Et il voit bien la robotique jouer un rôle pour booster la curiosité des élèves.