Article paru dans l’édition de septembre de Pontoise Mag, le magazine municipal de la ville de Pontoise.
Avant la Révolution, le Parlement de Paris est l’une des institutions les plus puissantes en France. En plus d’être une Cour de Justice, le Parlement valide les décisions écrites du roi et peut même s’y opposer en faisant valoir son droit « de remontrance ». En 1720, un conflit éclate entre le Parlement de Paris et le Régent Philippe d’Orléans, chargé du pouvoir durant la minorité de Louis XV. La cause de cette querelle : la compagnie du Mississippi.
Des billets de banque qui ne valent plus rien
Celle-ci est chargée de promouvoir des échanges économiques entre la France et la Louisiane. Un système d’actions est mis en place, les Français échangent leur argent sonnant et trébuchant contre des titres papier : les billets de banque. Ces derniers acquis en trop grande quantité par des spéculateurs voient leur valeur réelle chuter : c’est la banqueroute. Le Régent ordonne alors la baisse du montant de leur remboursement, au grand dam des parlementaires, nombreux à avoir investi dans ces fichus morceaux de papier ! Le Parlement n’approuve pas cette décision. Outré, le Régent décide de punir l’intégralité du Parlement. Le dimanche 21 juillet 1720, entre 3h et 4h du matin, le Régent envoie des lettres de cachets à tous les parlementaires pour leur ordonner de quitter Paris et de se rendre sur le champ à Pontoise. Le lendemain ce ne sont pas moins de 350 magistrats accompagnés de leurs familles et serviteurs, ainsi que 800 soldats qui arrivent à Pontoise, paisible petite ville de moins de 3 000 habitants.
Pontoise, une douce terre d’exil
L’exil pontoisien s’annonce difficile. Si la ville est riche en couvents, abbayes et monastères, il est néanmoins ardu de loger tant de monde confortablement. Le couvent des Cordeliers (actuel Hôtel-de-Ville) est occupé par le Parlement. Cependant, en l’absence d’un nombre suffisant d’avocats pour poursuivre les procès en cours, il y a peu de travail et les journées sont longues. Alors, faisant contre mauvaise fortune-bon cœur, on s’invite les uns chez les autres. Le Président du Parlement loge dans le prestigieux palais abbatial de Saint-Martin de Pontoise, rénové à la fin du XVIIème siècle. Tous les jours, il a table ouverte, des dizaines de convives sont invités à de fastueux repas et se promènent dans les magnifiques jardins dessinés par André le Nôtre. Les Parlementaires profitent des nombreuses fêtes de Pontoise, notamment la S’tembre et la Saint-Martin : « […] continuation de joie et de plaisir en cette ville, tables tenues à l’ordinaire, jeux, concerts, promenades, les dames faisant bonne compagnie et tous ces messieurs faisant la même chose avec une union et une fraternité qui peut-être ne s’est jamais vue […] c’était joie partout » écrit le commis-greffier du Parlement dans son journal.
Une période bénie pour les Pontoisiens
Les Pontoisiens bénéficient également de cet exil. Non seulement les commerçants fournissent nourritures et marchandises, mais les habitants se massent également aux magnifiques concerts donnés par les musiciens de la Sainte-Chapelle dans l’église du couvent des Cordeliers ou à la symphonie jouée à l’abbaye Saint-Martin pour le mariage de la fille du Président du Parlement. Au retour du Parlement à Paris le 18 décembre 1720, Pontoise restera pour certains, une parenthèse enchantée dans leur vie quotidienne.
Le saviez-vous ?
- Le Parlement de Paris a été exilé trois fois à Pontoise, en 1652, 1720 et 1753.
- L’expression « avoir l’air de revenir de Pontoise » aurait pour origine les exils du Parlement de Paris. Elle signifie avoir un air contrit.