Frédéric Colombot a rejoint les 250 salariés d’Espérer 95 début 2018, au moment de l’ouverture de l’immeuble l’Ensemble, rue Francis Combe à Cergy. Au sein de cette importante association valdoisienne de lutte contre l’exclusion, soutenue par l’Agglomération de Cergy-Pontoise, il a la responsabilité de la cuisine d’insertion. La cuisine d’Espérer 95 est l’un de ses quatre chantiers d’insertion, avec les chantiers voirie et espaces verts, gestion des espaces semi-naturels et valorisation des zones humides. Près de 70 stagiaires au total bénéficient d’une formation alliée à un accompagnement individuel pour acquérir rythme et discipline de travail, allier resocialisation et confiance en soi.
160 repas quotidiens
Dans sa cuisine, Frédéric Colombot fait face au quotidien à plusieurs défis, pour accomplir plusieurs choses en une. Le premier challenge qu’il relève, c’est d’amener ses 10 stagiaires, dès leur premier jour de travail, à fournir 160 vrais repas quotidiens. « Entrée, plat, dessert, le tout dans un budget très contraint avec des produits fournis par la Banque alimentaire ou la « ramasse » auprès du Casino de Cergy ». Et ces repas, Espérer 95 en a un besoin vital. A quelques mètres de la cuisine en effet se trouve l’accueil de jour des personnes sans abri : ce sont 100 repas qui sont servis tous les midis. L’accueil de nuit se voit lui fournir 40 repas tous les soirs et 20 sont livrés au centre d’hébergement Milada à Pontoise.
Montée en puissance
Et la production va aller en augmentant ! « Nous assurons également de plus en plus de prestations internes pour des buffets et avons le projet de structurer une offre commerciale « traiteur » incluant le service ». Sans compter l’ouverture en 2021 d’un nouveau pôle d’Espérer 95 qui nécessitera la fourniture de 50 repas quotidiens ! Alors Frédéric et ses stagiaires ne chôment pas. « Les stagiaires d’un chantier d’insertion bénéficient d’un CDD de 8 mois pour 26 heures hebdomadaires. Trois heures sont consacrées à l’accompagnement à la recherche d’emploi, reste 23 heures en cuisine ». « Il faut être efficace rapidement. Huit mois c’est très court et je ne vois pas passer les semaines » résume le chef de cuisine. Il s’adresse ainsi aux stagiaires en début de formation : « Nous sommes 12 pour préparer 160 repas. Nous avons suffisamment de temps pour faire les choses mais vous ne devez pas « prendre votre temps » car dans un futur job vous ne le pourrez pas ».
Chef + professionnel du social
Le second défi réussi, grâce à des qualités qu’on ne trouve pas automatiquement réunies chez une même personne, c’est de combiner l’autorité habituelle du chef de cuisine à la fibre sociale. » C’est vrai que je me fais appeler « chef », mais ce n’est pas par affirmation ». A 39 ans et avec son parcours, nul ne songerait d’ailleurs à contester les compétences de Frédéric Colombot. Après son CACP de cuisine et une première expérience, il passe 8 ans dans l’armée à diriger un mess d’officiers et sous-officiers. S’ensuivent 7 années à la tête de la cuisine d’une maison de protection de l’Enfance à Montmorency. A cette période, la sensibilité de Frédéric à la dimension sociale et humaine s’est déjà révélée. Une responsable de l’association le confirme. « Beaucoup de candidats ont postulé sur le poste qu’occupe Frédéric. Pour faire l’affaire il fallait quelqu’un avec une grande appétence pour les autres, car ici notre accompagnement est global, et la dimension humaine essentielle ». Le chef complète : « C’est déjà le quatrième chantier que je conduis depuis mon arrivée et même si je suis intraitable sur les questions d’hygiène en cuisine par exemple, je suis très impliqué dans l’accompagnement social des stagiaires. Je n’hésite pas à contacter la conseillère d’insertion référente ni à chercher à comprendre les raisons d’un comportement inhabituel chez une personne ». Sa recette ultime ? « Dire tout ce qu’il y a à dire mais surtout dire ce qui est bien, valoriser tout ce que font les stagiaires. Et ils me le rendent » !