La ligne de chemin de fer Pontoise-Poissy : un tacot mal coté

Publié le 20 avril 2020

Née voilà un siècle, la ligne de chemin de fer Pontoise-Poissy n’a été exploitée que 21 ans avant de devenir... sentier de randonnée.

Quatre allers et retours par jour, 19 arrêts desservis, 21 km couverts en 1h15 : la voie ferrée Poissy-Pontoise, inaugurée le 4 décembre 1912, était prometteuse. Élus locaux et exploitants agricoles la réclamaient depuis 1880. Avec les lignes Magny-Pontoise et Meulan-Magny, elle formait un réseau utile pour livrer Paris et les marchés de Poissy et Saint-Germain en fruits, légumes et vins produits à Cergy, Vauréal, Jouy-le-Moutier, Neuville ou Maurecourt, transportant aussi des voyageurs et, au retour, les boues de la capitale, utilisées comme engrais.

Tout à l’éco

Mais la petite ligne déçoit vite. Le département de la Seine-et-Oise et la compagnie exploitante, privée comme toujours à l’époque, l’ont en effet conçue à l’économie. Ainsi, le tracé de la voie unique emprunte souvent le réseau routier ou le chemin de halage, pour réduire les frais d’expropriation. Des rampes un peu trop fortes et des rayons de courbure serrés limitent les coûts de terrassement et de matériaux. Du coup, lors des premiers essais, le train déraille une fois sur deux entre Pontoise et Cergy. Quant au matériel roulant, d’occasion, il est dépeint par la presse locale comme « une série de rossignols » au chauffage intermittent, dont on ne peut fermer les fenêtres. Selon un inspecteur, 50 % du parc de locomotives n’est pas en état de rouler…

Décati, le tacot

Conséquence de ces économies, des pannes fréquentes, des pièces de rechange introuvables car trop anciennes et des retards en série, voire des trajets interrompus, laissant les voyageurs finir à pied leur périple… Dès le 1er mai 1913, les avaries successives ont raison des quatre rotations quotidiennes, qui passent à trois. Un contentieux s’amorce entre le préfet et la compagnie, qui abandonnera l’exploitation le 1er mai 1916. Première Guerre mondiale oblige, une partie de la voie est démontée et le matériel réquisitionné. Reconstruite à l’identique aux frais de l’état, la ligne reprend son activité en octobre 1921.

Reconversion

Sursaut commercial, de 1926 à 1933, les trains empruntent les voies de tramway pour rallier les Halles depuis Cergy sans correspondance, via la place de l’Étoile, de nuit. Mais les habitants chics des quartiers parisiens traversés font cesser ces nuisances nocturnes. Progressivement, le tacot s’efface devant la route : la section Poissy-Maurecourt ferme en 1934, Maurecourt-Gency en 1939, tandis que Gency-Pontoise fonctionne dix ans de plus. Un siècle plus tard, le sentier de randonnée aménagé sur l’ancien tracé, qui suit la boucle de l’Oise à flanc de coteau, permet au promeneur de rallier Maurecourt depuis Cergy village et de découvrir quatre viaducs en meulière, aussi beaux qu’anachroniques.

Grande & petites histoires

André Metzger, ancien professeur d’histoire, ancien maire-adjoint de Jouy-le-Moutier

André Metzger a consulté diverses archives pour bâtir une exposition sur les cent ans de la voie ferrée, et recueilli divers témoignages d’usagers du petit train. L’un confie avoir échangé son premier baiser dans le tacot. L’autre se souvient des vaches venant paître sur la voie, que les gamins chassaient, le tacot heurtant un soir l’une d’elles, trop téméraire, qui fut tuée sur le coup tandis que le train déraillait. Une voyageuse menucourtoise, écolière à l’époque, raconte le chef de train, descendu au passage à niveau puis « oublié » par le conducteur, qui dut courir derrière le convoi, à la grande joie des gamins. Et en cas de panne, le calcul était le suivant : deux heures pour chauffer la machine à Magny, deux heures de trajet Magny-Pontoise, près d’une heure pour atteler, manœuvrer et revenir à Menucourt. Les élèves pouvaient ainsi rentrer de l’école à 1 heure du matin…