La création, en 1896, de la « Ligue du coin de la terre et du foyer » par l’abbé Jules Lemire signe l’acte de naissance officiel des jardins ouvriers. L’homme d’église, et député du Nord, voit dans le jardin un remède à la misère. Son objectif est de mettre à disposition des ouvriers un petit coin de terre pour y cultiver des légumes et passer du temps en famille.
Un remède à la misère
Dans cette France industrielle du 19e siècle, la Ligue vante les bienfaits du retour à la terre : « un loisir sain – un moyen de combattre l’alcoolisme –, un complément de ressources ainsi qu’une occasion de passer ses heures de repos en famille ». Vertueux et économiques, les jardins collectifs témoignent aussi d’une vision sociale. Les restrictions et pénuries alimentaires successives – Première Guerre mondiale, crise économique des années 30, Seconde Guerre mondiale… – participent de leur essor. Aux heures les plus sombres, ils seront récupérés par l’idéologie de Vichy : travail, famille, patrie. La période de forte croissance d’après-guerre marque une désaffection envers les jardins ouvriers et la société des années 60 précipite leur déclin. Dans le Nord, comme ailleurs, Le pouvoir d’achat des ménages augmente et la mode est à la consommation de masse. Jardiner ne fait plus rêver.
Le retour aux racines
Il faut attendre les années 90 pour constater un regain d’intérêt. La fonction des jardins collectifs a évolué pour répondre aux nouvelles aspirations de la société : renouer avec la terre, manger sainement, transmettre à ses enfants… En 1992, la « Ligue du coin de la terre et du foyer » – à la dénomination désuète qui fleure un peu trop le 19e siècle – devient la « Fédération nationale des jardins familiaux et collectifs » (FNJFC). Le jardin ouvrier a mué. Les jardins familiaux investissent le cœur des Cergypontains grâce aux urbanistes de la ville nouvelle. Avec leur dimension sociale et environnementale, ils participent de la nature en ville et s’intègrent aux trames vertes et bleues. Ils représentent un investissement de départ pour la collectivité – acquérir les terrains, dessiner les jardins, installer un système d’arrosage, un abri collectif ou individuel… –, mais aussi une économie. Car, au final, dix hectares d’espaces verts sont entretenus par les habitants et non par la collectivité.
Cultiver la solidarité et la biodiversité
Attribués en priorité aux ménages vivant en habitat collectif, les jardins partagés jouent un véritable rôle social : tisser des liens avec les habitants du quartier, renouer un contact physique avec la terre, planter, voir grandir, manger le fruit que l’on a cultivé… Plus d’une soixantaine de jardins partagés – divisés en parcelles de 75 à 150 m2 – existent ainsi sur Cergy-Pontoise. Leur gestion est confiée à la FNJFC ou à une association de quartier. Les bénéficiaires s’acquittent d’une modeste cotisation annuelle couvrant pour l’essentiel la facture d’eau. Jardins familiaux des Coteaux à Cergy, de Marcouville à Pontoise, de la Challe à Éragny ou de la Viosne à Osny, les valeurs fondatrices sont partout les mêmes : échange, solidarité et convivialité.
Autre mouvement d’agriculture urbaine en vogue : les Incroyables Comestibles. Né, en 2008, en Angleterre – en pleine crise financière –, ce mouvement invite les citoyens « à planter partout là où c’est possible et à mettre les récoltes en partage« . Ainsi, une trentaine de potagers se sont improvisés à Cergy-Pontoise sur des parcelles publiques et privées. Une réponse solidaire et militante au besoin galopant de prendre la clé des champs…