L’hôtel d’Estouteville a connu plusieurs vies. Il abrite successivement le sacré, la justice et l’art. Construit à la fin du XVe siècle à l’initiative de l’archevêque de Rouen, Camille d’Estouteville, le bâtiment abrite la demeure du grand vicariat de Pontoise. L’hôtel change de propriétaire sous la Révolution lorsqu’il est vendu au district de Pontoise. En 1791, celui-ci en fait un tribunal civil, puis le siège de la sous-préfecture. Un siècle plus tard, en 1889, Camille Tavet, l’un des fondateurs de la Société historique de Pontoise, lui donne sa troisième et dernière destination. Il décide en effet de restaurer l’édifice et d’en faire un musée. Malheureusement, il ne vit pas assez longtemps pour voir l’œuvre achevée. À sa mort, sa veuve – née Delacour – poursuit les travaux et inaugure le musée en 1892.
Collections historiques
Caractéristiques de celles d’un musée universel de la fin du XIX e siècle, les collections historiques s’organisent autour des donations personnelles des époux Tavet, de particuliers et d’artistes, ainsi que de quelques acquisitions pittoresques – qui ne sont pas sans rappeler le principe des cabinets de curiosité – telles que des reliques royales, à l’authenticité réelle ou présumée (aujourd’hui conservées à l’abri du public).
Pionnier de l’art abstrait
En 1968, le musée reçoit en donation le fonds d’atelier de l’un des précurseurs de l’art non figuratif, Otto Freundlich (1878-1943). L’artiste – mort en déportation -, s’essaya avec succès à différentes techniques : la peinture, le dessin, la sculpture, la mosaïque, la gravure, la tapisserie ou encore le vitrail. Le musée ne recense pas moins d’une quarantaine de ses œuvres, dont une dizaine considérées comme majeures. Cet ensemble est d’ailleurs le plus important au monde. Fort de cette collection, le musée oriente sa politique d’acquisition vers l’art moderne et contemporain avec des œuvres de Matisse, Hans Arp, Adolf Fleischmann, Albert Gleizes, Geer van Velde, Jean Gorin, Aurélie Nemours… De quoi s’aventurer aux confins de l’abstraction.
Grande & petites histoires
Christophe Duvivier Conservateur des musées de Pontoise
« Otto Freundlich a contribué à la naissance de l’art non figuratif. Il est en effet le premier à exposer, en 1912, une œuvre de grand format ne faisant pas référence au réel. Parmi les artistes de sa génération – Malevitch, Kandinsky, Matisse, Mondrian –, Otto Freundlich est un pionnier, car le premier à oser un tel geste pictural. Pour cet artiste, la création est le résultat d’une décomposition-recomposition. Dès 1937, ses œuvres figurent dans les expositions d’art « dégénéré », avant d’être systématiquement détruites par l’Allemagne nazie. Ceci explique le caractère unique de la donation faite au musée. Pour la petite histoire, cette collection devait initialement être présentée dans le musée du centre culturel d’agglomération (actuel hôtel d’agglomération), un projet finalement abandonné au milieu des années 70. Les Cergypontains peuvent aujourd’hui venir l’admirer au musée Tavet-Delacour. »